Dans le film intitulé « Œdipe
Roi » de Pasolini et dans la pièce de Sophocle, Œdipe nous apparaît comme
un personnage complexe. Il s’agit d’un homme dont la vie royale a été rattrapée
par le destin et l’a conditionné à une échéance peu glorieuse. Toute sa vie a
été une succession de questionnements sur soi et de recherche d’identité qui
lui ont valu un retour sur ses origines cependant peu profitables. De ce fait,
le destin que les Dieux lui ont prédit l’on directement mené à sa perte. Ainsi,
nous pourrions nous demander si Œdipe était-il réellement coupable ?
Tout d’abord, la conscience étant
le propre de l’homme, Œdipe savait ce qu’il faisait du début à la fin. Après
que les oracles lui aient révélé tous les crimes dont il allait être l’auteur :
« tu tueras ton père et tu coucheras avec ta mère » (le sphinx, Edipo
Re), Œdipe en tant que bon citoyen grec savait ce qui allait l’attendre.
Pourtant, lorsque pour la première fois, il tue un homme, il ne réfléchit pas à
l’instant à ce qu’il fait. En effet, dans le film de Pasolini, Œdipe rencontre
un homme d’âge mûr avec une garde de soldats après un croisement de chemins.
Cet homme est le roi Laïos, son père. Alors, survient un échange entre les deux
personnages : un « premier contact » en quelque sorte (comme l’avait
fait son père dans le prologue du film lorsqu’Œdipe n’était encore que dans la
poussette). Le conflit est instauré, et au lieu de passer son chemin – là a été
son erreur – Œdipe se lance dans le combat. Il a pourtant cinq fois l’occasion
de se remettre en question en tuant les cinq gardes avant de s’attaquer au roi
(comme le dit le proverbe : « tourne sept fois ta langue avant de
parler »). On pourrait même dire qu’il s’agit d’une mise en garde qu’il n’a
pas su décoder. C’est alors ce même regard haineux entre le père et le fils qui
refait surface, et entraîne Œdipe à tuer son père. Il faudrait également
retenir que le croisement entre deux chemins, celui qu’il emprunte avant d’aller
à la rencontre de son père est un symbole chargé de messages : il pourrait
tout d’abord s’agir du croisement entre l’enfance et l’âge adulte, soit l’adolescence.
Période dans laquelle le jeune adulte se rebelle contre la figure autoritaire
de ses parents, ici en l’occurrence contre son père. Ce symbole pourrait
également être synonyme du croisement entre la figure féminine et masculine, union
contre laquelle Œdipe se rebelle.
De plus, lorsqu’Œdipe se retrouve
roi de Thèbes et se marie avec Jocaste, il apprend par Tirésias qu’il est « l’assassin
cherché » (p.27) comme l’a dit Nolwenn dans son commentaire. Il réalise
également que la femme qu’il a épousée n’est autre que sa mère : « Ne
redoute pas l’hymen d’une mère, bien des mortels ont déjà rêvé partager le lit
de leur mère » (Jocaste, p.45). Plus précisément, bien qu’il ait pris
conscience du désastre qu’il a commis, par l’encouragement de Jocaste, Œdipe va
quand même rester dans sa position, l’écouter et donc par conséquent faire le
choix de commettre l’inceste : « Et n’importe de qui il parle !
N’en ait nul souci. De tout ce qu’on t’a dit, va, ne conserve même aucun
souvenir. A quoi bon ! » (Jocaste, p.48).
Ensuite, sachant qu’Œdipe était
conditionné par la volonté du ciel, il ne pouvait en aucun cas avoir le pouvoir
de choisir et par conséquent n’était pas coupable. Sa vie était déjà écrite et
son chemin prédestiné. Il n’avait ni le choix, ni la chance de changer son
avenir. Les Dieux ont fait de lui tout ce dont ils voulaient : « Regarde
! Dans ton destin il est écrit que tu assassineras ton père et que tu feras
l'amour avec ta mère ! » (La Pythie, 24min12s dans le film). Il était
utilisé telle une marionnette guidée par les ficelles divines. D’autres prédicateurs
ont confirmé la prophétie ce qui démontre la gravité du sujet. Lors de sa venue
à Thèbes, convoqué par Œdipe, Tirésias lui annonce sa Vérité : « Tu
me couvres d'injures, et tu me reproches même ma nature, tandis que tu refuses
de voir la nature qui est en toi. » (Tirésias, 1h05min) ; « Qu'il
ne se réjouisse pas de cette découverte, parce qu'il deviendra aveugle et
mendiera son pain (…) Un jour on découvrira qu'il est le père de ses enfants en
même temps que leur frère, qu'il est le mari de sa propre mère, et il saura
qu'il est marié avec la femme qui a déjà appartenu à son propre père, et que
l'assassin de son père, c'est lui, et lui seul. » (Tirésias, 1h10min). Œdipe
n’a bien évidemment pas le choix et n’est pas coupable puisque comme le dit
Tirésias, il s’agit de sa propre nature, et ne peut donc pas s’en défaire.
De plus, dans le film nous
connaissons l’avenir d’Œdipe avant même que tout se passe, lorsque dans son
berceau, son père lui annonce qu’il va lui voler tout ce qu’il a : « Et
la première chose que tu me voleras, c'est elle, la femme que j'aime... Déjà tu
me voles son amour ! » (Le père d’Œdipe, 06min54s dans le film). Nous
savons donc, nous spectateurs, ce que la suite du film va nous dévoiler… Nous
sommes alors en quelque sorte complices avec la parole des Dieux prononcée à
travers les différents personnages prophétiques ; nous connaissons déjà l’issue
de l’histoire et les actes qu’il accomplira. Tirésias le souligne bien : « Ah !
les faits parleront d’eux-mêmes, que je continue ou non de me taire. »
(Tirésias, 1h06min, dans le film). Œdipe n’est par conséquent, en aucun cas
coupable de ce qui lui est arrivé. Sa prophétie est déjà écrite depuis sa
naissance ; il n’est que l’objet de ce que les Dieux ont décidé de lui.
Pour conclure, d’après les deux œuvres
sur le mythe d’Œdipe, nous pouvons nuancer la culpabilité de ce dernier. Certes
il pourrait avoir une part de responsabilité du fait qu’il était conscient de
tout ce qu’il faisait, mais le sort ne dépendait pourtant pas de lui, il était
entre les mains divines. Ainsi, Œdipe serait plus ou moins coupable de ses propres
actes, certes, mais n’oublions pas qu’il a fait l’objet d’une marionnette, et
était donc prisonnier de ses propres actes durant toute sa vie.
Lauren C.
Lauren C.
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