dimanche 20 novembre 2016


En quoi peut-on dire que Oedipe roi est la tragédie d’un homme qui ne trouve pas sa place ?


Dès les prémices du film nous avons pu sentir, qu’Oedipe n'occupe aucune place, dans la pièce, la scène d'ouverture s'ouvre sur un Oedipe roi, mais cette place s'avérera illusoire comme beaucoup d’autres.

Dès sa naissance, Oedipe est expulsé du ventre de sa mère, il y a passé 9 mois et sort enfin de son premier habitat, le cordon est coupé et des liens sont coupés. Cependant il s’attache à les liens illusoires qui le relie à sa mère et au peu d’attention qu’elle semble lui adresser. En effet, on sent une mise à distance et un certain détachement voir un désintéressement venant de la mère. Par exemple, quand elle laisse Oedipe sur la nappe, sur le dos, les yeux vers le ciel, cela évoque l’abandon.
Il est aussi vu comme un intru par son propre père, qui le rejette comme en témoigne le carton "Tu es né pour prendre ma place dans ce monde me rejeter dans le néant me voler ce qui m'appartient. C'est elle que tu me volera en premier. Elle, la femme que j'aime. D'ailleurs tu me voles déjà son amour" dans les film de Pasolini
On observe,que chez ce dernier, le complexe oedipien est renversé, c’est en effet le père qui voit son fils comme un rival car , au final, Oedipe ne le hais pas dans le prologue mais semble peiné par la place privilégié qu’occupe le père auprès de la mère. Cette haine viendra quand Oedipe se retrouvera face à son père et le tuera tout en ignorant son identité.
Il n’a pas sa place dans le couple que forme Jocaste et Laïos, il est de trop. On le sent bien dans la scène où il est laissé dans la chambre, la nuit, pendant que ses parents vont danser.

Ce à quoi il est destiné pousse ses parents à le rejeter, selon l’Oracle, son destin est de tuer son père et de partager la couche de sa propre mère. En effet, la malédiction est à l’origine de la séparation. C’est inévitable. Oedipe s’est fait abandonnée, rejeté par sa famille biologique, il est donc laissé sur une montagne déserte là où son destin tente d’être modifié, il est destiné à mourir par ses parents. Cependant, ces derniers pensent oublier que rien ne peut le détourner de ce que les Dieux ont prévu, Oedipe survie donc.

En somme, Dès le début, Oedipe n’occupe pas de place, n’appartient à aucun lieu mais à partir du moment où il est recueilli, il va chercher cette place. Il va donc tenter de répondre à la question qui le hante depuis qu’il s’est fait appelé “enfant du hasard” et depuis son rêve bouleversant: Qui sui-je ?
Mais c’est cette même quête identitaire qui le pousse dans le gouffre. Après la révélation de l’Oracle, il va s’enfuir et, guidé par sa destiné déguisé en hasard, il arrivera à Thèbes où il est confronté au Sphinx. Chez Pasolini, il fera donc face au Sphinx qui n’est qu’en fait, que son inconscient. “ « Il y a une énigme dans ta vie ». Le caractère impulsif et violent ne sont pas les seul raisons qui vont le pousser à jeter le Sphinx dans le vide. Il ne veut plus de révélations.
Ce meurtre mais aussi cet aveuglement, ce refus de voir la vérité, va le propulser dans la gueule du loup, car au final, c’est parce qu'il ne connaît pas son identité qu’il commet ce meurtre qu’il se retrouvera roi et ainsi époux de sa propre mère.Mais l’heure de souffrir n’est pas encore venu pour lui car il vit quelques années de “bonheur”, pendant laquelle il atteindra des places qui ne sont au final, qu’illusoire: roi, époux, père.
On constate, qu’Oedipe est systématiquement appelé en dehors du palais, toujours filmé à ses portes ou en dehors, car l'intérieur est souillé par l’inseste. Il est donc toujours au seuile de quelque chose et n’arrive jamais à se faire véritablement une place, même dans son propre palais. Ce lieu est donc néfaste et maudit car c’est également là-bas que Jocaste se pend et que Oedipe se crève les yeux.

C’est Tirésias qui va remettre le doute dans sa vie en lui disant, chez Pasolini, “sais-tu seulement de qui tu es né? “ mais à chaque fois qu'il mène une quête elle se finit par l'errance et n’aboutit pas. Par exemple, il est est parti de Corinthe pour consulter l’Oracle, il s’est retrouvé confronté à sa destiné et a décidé de fuir. Sa vie se caractérise donc par la fuite. Or, comment vivre sa vie si on la passe à fuir la vérité ? Si Oedipe fuit sans cesse, c’est qu’il n’a sa place nul part. Or il ne peut que fuir, devant les horreurs qui lui sont destinées.
Le film insiste beaucoup plus sur cette errance que la pièce, il aura pourtant plusieurs occasions de s’arrêter ( le mariage, la prostitué) mais il ne déviera jamais de son destin imagé par son chemin. Il commettra donc, le parricide sur ce chemin, comme il y été destiné. Ce dernier aboutit sur Thèbes, la ville où tout se tiendra, où tout va se finir.

Il n’a finalement sa place absolument nul part et perd même sa place dans la généalogie,
Il est donc un être qui perd sa place dan le monde, un objet de répulsion. Il symbolise la peste, maladie dont il est responsable. C’est donc une souillure et la source de la contamination.
Toute sa vie, il reste pantin des dieux jusqu’à que sa destiné s’accomplisse. Il se crève les yeux, seul acte libre non imposé par le destin. Une fois aveugle, il est guidé par Antigone, chez Sophocle  et par Angelo dans le film d Pasolini. Ces derniers ne sont pas les guides de ses actes, comme le sont les Dieux à travers le destin mais, des êtres fidèles et protecteurs qui l’accompagnent et qui l’aime malgré la répulsion qu’il inspire à tous. Oedipe décide alors de libérer à nouveau la ville de Corinthe d’un fléau: lui-même. Mais par cette action, il se libère lui-même, car une fois libre, il accède à un nouveau statut, celui de sage et de poète. Il renonce à chercher sa place et à appartenir à une classe, c’est donc un esprit libre qui se construit son identité seule. il mène une existence personnelle. Cependant,chez Pasolini, c’est le retour dans son village d'origine, qui marque le début de  son exil, il y a donc l’image d’un accomplissement, la boucle est bouclée mais le mythe ne se referme pas.

En effet, Le mythe d’Oedipe, n’arrête pas de se réinventer à  travers les réécritures. C’est un personnage marginal qui suscite la fascination comme la répulsion et que tous les genres peuvent s'approprier: théâtre, chant, cinéma, roman etc.. Car à l’image de son personnage, le mythe n’appartient à aucune classe, aucune catégorie.

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