vendredi 11 novembre 2016

Citations et critiques littéraires.

Sophocle : « C'est donc ce dernier jour qu'il faut, pour un mortel, toujours considérer. Gardons-nous d'appeler jamais un homme heureux, avant qu'il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin. » - Le Coryphée (Exodos, page 64)
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  •          Cette citation se traduit comme une leçon de morale qui à mon sens transcende le mythe et prend une tournure philosophique qui tente de mettre en garde tout homme qui serait tenté de faire preuve d’hybris. Mais encore, cela met en lumière la faiblesse des hommes et le déterminisme dont notre condition humaine fait preuve. Alors si nous ne voulons pas être punis par les dieux nous devons faire vœux d’humilité. Et dans ce cas Œdipe nous sert d’exemple car le vainqueur de la Sphinge, le déchiffreur d’énigme, le roi de Thèbes celui qui était le premier des humains en devient le dernier. Sophocle semble donc vouloir montrer que le bonheur humain ne tient qu’à un fil contrairement au bonheur éternel au bonheur des dieux.

« N’avez-vous pas de honte, lorsque votre pays souffre ce qu’il souffre, de remuer ici vos rancunes privées ? (à Œdipe.) Allons, rentre au palais. Et toi chez toi, Créon. » - Jocaste (Deuxième Episode, page 34)
  • -          Cette citation est assez intéressante dans le sens où elle montre un aspect particulier du personnage de Jocaste d’autant plus qu’elle répète cette phrase lors de sa première apparition. Elle nous apparait alors comme un personnage autoritaire et démontre bien sa fonction politique c’est-à-dire sa place de reine puisqu’elle va mettre fin à la querelle entre Œdipe et Créon.

« Non, par les dieux ! Si tu tiens à la vie, non, n’y songe plus. C’est assez que je souffre, moi. » - Jocaste (Troisième Episode, page 48)
  • -          Ici, on peut commencer à avoir certains doutes sur la probable culpabilité de Jocaste. Car elle cherche intentionnellement à dévier Œdipe de la poursuite de son enquête. Comme si elle cherchait à s’accaparer les faveurs des sentiments d’Œdipe : « C’est assez que je souffre, moi. » Tel une mère peinée par les bêtises de son fils. Néanmoins ce n’est qu’une hypothèse,  car il n’est pas évident de savoir si Jocaste se doute de la parenté réelle avec son fils. Aussi ne limitons pas la culpabilité à celle de l’inceste parce qu’elle est aussi celle de l’abandon ou de l’infanticide.

« Hélas ! Hélas ! Qu’il est terrible de savoir, quand le savoir ne sert de rien à celui que le possède ! » - Tirésias (Premier Episode, page 22)

« Tu ne te doutes pas que tu es en horreur aux tiens, dans l’enfer comme sur la terre. » - Tirésias (Premier Episode, page 26)

« Jamais homme avant toi n’aura plus durement été broyé du sort » - Tirésias (Premier Episode, page 26)

« Je me vois en cette heure en possession du pouvoir qu’il eut avant moi, en possession de son lit, de la femme qu’il avait déjà rendue mère ; des enfants communs seraient aujourd’hui notre lot commun, si le malheur n’avait pas frappé sa race. » - Œdipe (Premier Episode, page 20)
  • -          Ici Œdipe parle de Laïos. On peut voir à travers cette réplique une question d’héritage. Cet héritage dont les fils héritent de leurs pères mais pour Œdipe celui-ci est plutôt illégitime. Bien qu’on puisse lire dans cette déclaration une figure d’ironie : Œdipe ne sait pas à quel point la comparaison qu’il fait est exacte, et le spectateur, qui connaît le mythe, en sait plus que le personnage.

« Le temps, qui voit tout, malgré toi l’a découvert. Il condamne l’hymen, qui n’a rien d’un hymen, d’où naissaient à la fois et depuis tant de jours un père et des enfants. » - Le Chœur (Quatrième Stasimon, page 54)

« Ainsi la chambre nuptiale a vu le fils après le père entrer au même port terrible ! Comment, comment le champ labouré par ton père a-t-il pu si longtemps, sans révolte, te supporter, o malheureux ? » - Le Chœur (Quatrième Stasimon, page 54)

Pasolini : «Désormais tout est clair et voulu, pas imposé par le destin» - Œdipe (01 :31 :07)
  • -          Une réplique que tout lecteur aura sans doute remarquée son absence dans la pièce de Sophocle. En effet Pasolini l’introduit dans le monologue d’Œdipe lorsqu’il apprend la vérité sur ses origines. Alors on en vient à se poser la question Œdipe est-il un innocent ? N’est-il pas juste une misérable marionnette victime du dessein des dieux ? Dans ce cas nous pourrions très bien être à sa place. Néanmoins il y a la question de libre arbitre qui se pose. Car bien qu’il soit présenté comme un enfant du destin qui soumet sa volonté au sort, comme l’indique la scène du film où il tourne aveuglément sur lui-même pour choisir son parcours, on remarque qu’il cherche à fuir systématiquement l’entourage du roi mais il est propulsé malgré lui par des « forces surnaturelles » afin d’assassiner Laïos.

« Tu es né pour prendre ma place dans ce monde, me rejeter dans le néant, me voler ce qui m'appartient. C'est  elle que tu me voleras en premier. Elle, la femme que j'aime. D'ailleurs, tu me voles déjà son amour. »- Discours de Laïos à Œdipe (Prologue, 00 :05 :32)
  • -          Ce discours présenté par des cartons, comme dans un film muet, explicitent, traduisent ses pensées ou paroles. Ici le prologue du film démontre bien la rivalité du père et du fils qui est provoquée par la jalousie et l’inquiétude du père. Quoi-qu’elles ne soient pas prononcées à voix haute, les pensées du père sont apparemment comprises de l’enfant, qui se cache les yeux.

 «  Ô lumière que je ne peux plus voir. Qui fut mienne un jour, illumine moi une dernière fois. Je suis arrivé. La vie s'achève toujours où elle a commencé. » - Œdipe (Épilogue 01 :43 :05)

« Pourquoi as tu si peur d’être l’amant de ta mère ? Tant d’hommes ont rêvé de l’être, dans leurs songes » - Jocaste (01 :21 :12)

« Dans le noir, je ne verrai plus ce que je n'aurais jamais du voir; je ne reconnaîtrai plus ce que je cherchais à connaitre. J'aurais dû me crever les tympans pour mieux renfermer mon malheureux corps en lui-même » - Œdipe (01 :35 :05)

« Il y a une énigme dans ta vie. Le gouffre dans lequel tu me pousses est en toi. » - La Sphinge

Critique d’auteurs sur les deux œuvres
« Dans le western mythologique imaginé par Pasolini, Œdipe attaque la diligence de Laïos, libère Thèbes du monstre qui la rançonnait, est élu shérif, recherche fébrilement l’assassin du roi, jusqu’au jour où il découvrira qu’il est lui-même le coupable. » - Pierre BILLARD (l’Œdipe de Pasolini n’a pas de complexe)

« Son film se situe dans une Antiquité purement poétique dont chaque élément, les châteaux mauresques, les déserts de rocailles, les chapeaux mexicains, les vêtements incas, les ors pharaoniques, les frénésies de samouraï, concourent à dresser le décor de la plus noble et de la plus sauvage des Barbaries. Toutes les civilisations, toutes les époques, toutes les nations, viennent contribuer à ce rite exemplaire de l’horreur, à ce musée vivant de la cruauté. C’est le grand bal masqué des inquiétudes existentielles, où l’homme a rendez-vous avec ses mythes. » - Pierre BILLARD (l’Œdipe de Pasolini n’a pas de complexe)

« L’innocence de l’homme, coupable et condamné dans le secret des dieux, tel est le ressort de ce que Cocteau appelait la Machine Infernale. Bombe à retardement, qui a dans le ventre, pour déclencheur, cette horlogerie infaillible qui s’appelle le Temps. Cette machine, les dieux l’ont manigancée(…) pour montrer qu’il n’y a pas de créature innocente au regard de sa divinité ; que le seul fait de vivre, pour cet être de ténèbres qu’est l’homme, est une faute ; que s’imaginer innocent est une faute(…). » - Jean-Louis BORY ((Œdipe Roi par Pier Paolo Pasolini)

« Si Œdipe vit son drame dans les montagnes du Maroc du Sud, c’est parce-que le paysage offre ce degré d’aridité ocre et le ciel, cet impeccable silence bleu qui sont ceux du climat tragique » - Jean-Louis BORY (Œdipe Roi par Pier Paolo Pasolini)


« Thèbes devient une ville ocre rouge, Polybe, roi de Corinthe, vit en campement, Laïos se coiffe avec la tour de Pise, le Sphinx ne pose pas de questions. Quant à Jocaste, elle se promène en brouette. Mais on n’a pas envie de sourire. Pasolini nous conduit d’une main de fer à la suite d’Œdipe fuyant inutilement devant le destin. » - Michel DURAN (Œdipe Roi, le message ne crève pas les yeux) 


Ruddy LIMA EVORA

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