La tragédie entière du mythe d'Œdipe est basé sur sa perpétuelle quête d'identité. Qui suis-je ? Où je vais ? D'où je viens ? Qui sont mes parents ? Œdipe se cherche constamment. Avant même de naître, Œdipe était voué à l'errance à travers la malédiction des Labdacides.
Dès sa naissance, on assiste à ce qu'on peut appeler une première expulsion. Après 9 mois passé dans le ventre de sa mère il est expulsé de sa toute "première place" et c'est ce qui marque l'arrachement des liens qu'il a pu jusqu'à maintenant entretenir avec sa mère. Et rien que la scène de voyeurisme filmé à l'extérieur de la fenêtre lors de l'expulsion témoigne de ce premier arrachement. Plusieurs autres moments vont pouvoir expliciter le désintéressement de la mère envers le bébé comme la scène dans le pré lorsqu'elle abandonne Œdipe sur la natte pour aller jouer avec ses compagnes. La première confrontation père et fils montre à quel point Œdipe n'est pas le bienvenu: "Tu es né pour prendre ma place dans ce monde me rejeter dans le néant me voler ce qui m'appartient. C'est elle que tu me volera en premier. Elle, la femme que j'aime. D'ailleurs tu me voles déjà son amour"
Cette scène représente l'annonce du mythe et du complexe d'Œdipe sauf que ici on assiste à un renversement du complexe puisque il y a une volonté d’atrophier l'enfant (les mains du père qui serrent les pieds de l'enfant). Ce n'est plus le père qui est vu comme un rival mais plutôt le fils. A partir de la description de ce prologue il en revient donc à dire que c'est le père qui chasse l'enfant suite à la prédiction de l'Oracle alors que chez Sophocle le serviteur affirme que c'est Jocaste qui chasse l'enfant. A partir de ce moment Œdipe n'occupe plus aucune place.
Abandonné sur le mont Cithéron Œdipe est voué à la mort (chez Pasolini, deux très courts plans se font dans le désert sur les charognards et le serpent). Découvert par un vieillard il sera alors recueilli par ses deux parents adoptifs Polybe et Mérope. Se passe alors 20 ans de paix dans la cité de Corinthe où il développe un sentiment d’appartenance mais tout bascule lorsqu'il est appelé "Figlio di fortuna". Mis en doute par cette appellation il va alors entreprendre un long pèlerinage censé le mener vers son identité. Guidé par sa destiné alors qu'il pense laisser le hasard choisir à sa place, il arrive à Thèbes. Une fois après avoir vaincu la Sphinge, Œdipe est représenté comme le soutient et le protecteur de la cité et c'est pourquoi chez Sophocle le prêtre de Zeus vient s'en remettre à lui quand Thèbes est frappé par la peste.
Cependant ce n'est pas pour autant que Œdipe arrive à trouver sa place et c'est l'une des raisons pour lesquelles il est systématiquement appelé en dehors du palais. Mais il n'a toujours pas trouvé de réponse à sa quête et il continue à s'interroger sur son origine. C'est alors qu'il est relancé par Tirésias qui va semer le doute en lui à travers cette question: "Sais-tu seulement de qui tu es né ?" Une question qui va le pousser à l'errance car toute quête se termine par l'errance. Une errance sur laquelle Pasolini va beaucoup insister à travers les longues scènes dans le désert où plusieurs fois il aura l'occasion de se détourner de son destin notamment avec la prostitué ou encore le mariage mais impuissant face à celui-ci, il commettra donc l'irréparable: l'assassinat de Laios.
Œdipe est constamment dans le doute et de surcroît il est toujours animé par cette volonté de savoir. J'ai pu d'ailleurs à travers la critique d'une analyse filmique de Pier Paolo Pasolini lire que: "La tragédie d’Œdipe est la tragédie de vouloir voir trop, entendre trop et savoir trop"
Ainsi Œdipe est un homme condamné à une errance éternel, tel une âme en peine. Il ne trouve sa place nulle part et est constamment rejeté, il fait l'objet d'une répulsion extrême car il est la souillure, la source de contamination qui a poussé le fléau de la peste à s'abattre sur Thèbes. Pourtant bien que Œdipe est était la marionnette des dieux pendant toute sa vie afin que s'accomplisse son destin, c'est dans un acte totalement délibéré qu'il va décider de se crever les yeux. Et c'est cette auto-mutilation ainsi que son exil en dehors des portes de Thèbes qui sont les deux actions qui vont témoigner de la liberté dont il fait preuve. Lui qui alors avait longtemps cherché sa place dans le monde finit par y renoncer et va mener sa propre existence guidé par les pas de Angelo chez Pasolini et ceux de Antigone chez Sophocle.
"La vie s'achève toujours où elle a commencé"
Ruddy LIMA EVORA
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