Par sa définition le sacré désigne ce qui est mis en dehors
des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au
profane aussi à l'utilitaire. Il désigne ce qui est inaccessible, interdit,
indisponible, mis hors du monde normal, et peut être objet de dévotion et de
peur. La problématique que nous posons ici concerne les deux œuvres celle de
Sophocle ainsi que celle de Pasolini.
Le sacré est il indissociable de la religion dans l’œuvre de
Sophocle et de Pasolini ?
Dans un premier temps nous analyserons le coter sacré de l’œuvre
de Sophocle. Puis dans un deuxième temps celle de Pasolini.
La tragédie grecque offre aux spectateurs un sacré
ritualisé, un culte des dieux. Chez Sophocle nous retrouvons cette même conception
de la divinité dans sa tragédie : il faut renoncer à comprendre les
décisions des dieux sans sombrer dans l’impiété. Tout ce à quoi l'entendement
humain peut avoir accès, c'est la nécessité de la tempérance, la mesure, le
contrôle de soi et la conscience de ses limites au regard des dieux auxquels
ils ne sauraient seulement s'égaler. Dans l’épisode 2 Œdipe se confie à Jocaste
: l'oracle de Delphes lui a prédit son avenir mais n'a pas répondu à sa
question, à savoir l'identité de ses parents et ses origines. Tirésias révèle à
Œdipe le nom d’Apollon dit Loxias : pour le devin lui-même la parole de
l'oracle est un défi. Tirésias avec humilité de la vérité s'abstient dans un
premier temps de la délivrer, arguant du fait que les dieux sauront révéler
leur volonté en temps voulu sans son intermédiaire. Tirésias a conscience de
n'être qu'un porte-parole impuissant : Il sait d'avance qu'Œdipe ne l'écoutera
pas et ne le croira pas ; qu'avec ou sans ses révélations, de toute façon la
volonté des dieux s'accomplira le moment venu.
Le proskenium est
l'espace dévolu aux acteurs/personnages : les personnages y génèrent les
péripéties qui font avancer l'action en agissant et en parlant. Souvent, ils
parlent trop comme par exemple Œdipe, ils refusent de s'abstenir et d'attendre
la volonté des dieux et se croient libres de leurs paroles et de leurs actions
sans regarder à les modérer.
Dans le prologue et le premier épisode en réponse au parados,
Œdipe prend l'initiative d'y répondre. Il se présente donc par deux fois comme
substitut des divinités invoquées. L’offense à Tirésias est une forme de
l’hybris. Les paroles impies contre les oracles. Cette impiété sera
désapprouvée par le chœur dans le deuxième stasimon. Jocaste (dans le second
épisode) conteste aux oracles toute validité mais ce faisant blasphème et se
trompe puisque Laïos a bien été tué par son fils. Œdipe reprend à son compte
l'opinion de Jocaste quand le Corinthien lui annonce la mort de Polybe et
blasphème à son tour. La colère divine frappe alors de façon spectaculaire sur
le proskenium les personnages qui se sont laissé aller à l'hybris soit Œdipe et
Jocaste.
Chez Pasolini nous pouvons dire que la dimension sacrée
retrouver chez Sophocle est dégradée. Le chœur est supprimé et remplacé par des
chants populaires roumains. On l’entend dans une langue que Pasolini a choisie
parce qu’elle est incompréhensible, mais on ne le voit pas. La pythie sans son
temple monumental ne mâche plus des feuilles de laurier mais se gave de riz, de
plus Pasolini a ajouté un rire discordant ce qui rapproche cette scène du
registre burlesque. L’escamotage du Sphinx correspond à l’incarnation de
l’inconscient d’Œdipe. Evidemment cela rappelle la modernité des théories freudiennes
qui se substituent à la tradition mythique du monstre invincible envoyé par les
dieux. Tirésias ne réclame plus qu'allusivement la dignité du prêtre d'Apollon
et se définit plutôt lui même comme un mendiant aveugle et errant. Sa dimension humaine de joueur de flûte et non
sa fonction d'oracle d'Apollon fait envie à Œdipe. Dans l'épilogue il se
substitue à Tirésias, la dimension sacrée persiste car il est guidé par Angelo mais
le personnage est dépouillé de sa dimension religieuse. Ainsi, Pasolini fait une critique de la
civilisation moderne qui a perdu le sens du sacré.
Pasolini rejette ce qu’il appelle « le cinéma de prose », il
préfère un « cinéma de vérité ». Ce qui compte dans ce cinéma est l’action
réelle filmée de telle sorte que la caméra ne se fasse pas sentir. Pasolini se
veut comme le cinéaste arpenteur et déchiffreur du monde. Pour lui le cinéaste
est un poète qui voulait donner à voir une nouvelle conception du monde et du
cinéma. L’hybris est récompensée par le don de poésie au terme du parcours
initiatique qui mène le nourrisson abandonné par sa mère dans un pré à
comprendre, qu’il n’est pas en exil dans le monde qui l’entoure, qu’il n’est
pas abandonné. Les procédés techniques qui font le cinéma de poésie selon
Pasolini : tout ce qui contribue à faire sentir la caméra et le regard que le
cinéaste poète porte sur le monde pour en révéler et en dévoiler au spectateur
la dimension sacrée. La foule et la Pythie apparaissent et disparaissent pour
reparaître à l'écran. La caméra adopte le regard et le point de vue d'Œdipe. Pasolini
veut « déréaliser » pour réinventer le monde et lui restituer une innocence
primitive perdue dans nos sociétés modernes.
Pour conclure, le sacré porte certes une place très
importante dans les deux œuvres. Néanmoins une dimension religieuse persiste.
Si celui ci peu parfois être dissociable de celle la comme chez Pasolini. Les
deux aspects restent pour le moindre dépendant l’un de l’autre chez Sophocle.
Des analyses pertinentes, mais il aurait fallu analyser plus précisément des passages précis des deux oeuvres, dans une démarche comparative. Confrontez les oeuvres plutôt que de les analyser successivement.
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