dimanche 4 décembre 2016

Oedipe est terreur.

-Oedipe a une tragique destinée, le temps, seul véritable acteur tragique,  agit comme une bombe à retardement. Et si l'on comprenait cette phrase dans le sens propre? Nous pouvons interpréter cette idée de deux manière différentes:
1. Soit nous offrons une réflexion (à un moment donné ou tout au long de la pièce) sur la finitude d'Œdipe et plus généralement de l'homme et sur cette lutte inutile face au temps. Les hommes sont tous condamnés à mort dès leur naissance comme Oedipe. Oedipe cherche pourtant à éviter son destin, la mort. "Le temps seul sépare Oedipe de sa destinée ou le rapproche en s'écoulant". L'histoire d'Oedipe n'est elle pas l'histoire d'une âme qui s'effraie à penser son destin. Ne pourrions nous pas aborder son histoire avec une vision plus pascalienne? "L'hasard n'est qu'illusion, l'espoir est inutile". Oedipe passe d'homme de pouvoir à homme de savoir quand il délaisse les vanités de la vie (le pouvoir est un plaisir non naturel et non nécessaire, issu de la société selon Epicure) et accepte son destin en se crevant les yeux. Nous pouvons reprendre l'idée qu'Oedipe est condamné au pouvoir , dans le sens qu'il peut choisir d'agir, qu'il en est capable. Se crever les yeux apparaîtrait donc comme un choix, une décision. Il décide surement de se lancer dans les routes de la sagesse en devenant aède. Oedipe est un homme qui ignore sa destinée et repose sa vie dans la vanité. Une fois que la vanité le trahit (perd le pouvoir, est considéré comme une souillure et a sali la société par ses actes), il se noie dans le désespoir et se crève les yeux. N'attendant plus rien du monde, hors de l'emprise des choses vaines qui nous font briller les yeux, Oedipe est contraint de se decouvrir et c'est ainsi qu'il soigne son mal-être. L'acceptation lui apporte la sagesse. 
2. Soit, Oedipe porte réellement une bombe dans son ventre. En accord avec notre monde contemporain, il serait une de ces personnes qui se feraient exploser dans les places publiques et qui apporteraient la terreur. Oedipe est abandonné dès sa naissance et rejetté, il ne trouve pas sa place. Alors, il suit le chemin de l'extrême, c'est l'hybride grec. Qui lui a mis cette bombe dans le ventre? Est -ce qu'Oedipe se condamne seul? Est-ce lui qui a mis en place cette machinerie? Peut-être qu'elle le ronge dès sa naissance. Engendrons-nous des monstres ou est-ce la société qui les créé? Tout le monde lui a dit qu'il finirait mal (les oracles). Oedipe finit par le croire. Il crée la terreur. Est-il un défaut de programmation? Les paramètres étaient-ils tous réunis pour qu'il soit comme tous dans la norme? La bombe qu'il a en lui grossit et finit par exploser. C'est presque dans l'ordre des choses pour lui, après tout on le lui avait dit. Oedipe cache au fond de lui une haine envers lui-même que personne n'a atténué. Comme l'écrit Marguerite Yourcenar dans Feux à propos d'Œdipe: "le cœur du nouveau est sec comme le rocher. Tant de sécheresse appelle le sang. La haine infecte les âmes". En réalité, Oedipe implose puis explose. Cette explosion publique, la terreur qu'elle propage lui est insuportable. Oedipe se crève les yeux. 

-Comme je l'ai écrit dans le libellé Tableaux: "La vie maudite d'Œdipe est intimement liée à la mort, elle est tragique à chaque instant et à chaque inspiration qu'Oedipe n'aurait su avoir".
En vrai, Oedipe est dérangeant. 8 minutes 37 de Penderecki cherche justement à nous déranger. Peut-être que nous pourrions l'exploiter pour la pièce. 
"Dès les premières secondes de la thrène un son strident de fait entendre secondé par d'autres qui se superposent et s'intensifient. C'est le premier cri d'Oedipe, celui de sa naissance dans l'Italie des années 20 de PPP, celui qui continuera même lorsqu'Oedipe se taira. Il marque la naissances d'un enant qui est malgré lui déjà un monstre, il marque la naissance de la tragédie d'Oedipe"
"La tension grandissante et grondante exprime la colère des dieux et s'allie à des sons dissonants et agressifs. Ces sons qu'on ne veut pas entendre (refoulement) harcèlement Oedipe, le tourmentent. Ces cris qui appellent au meutre sont peut-être des cris du désert cuisant ou ses propres cris de bête."
"Enfin, tous les instruments s'unissent dans un cri commun qui n'aura de cesse jusqu'à la fin de l'histoire de la mort d'Oedipe. Lorsqu'Oedipe se crève les yeux le bruit s'eteint, c'est bien la fin de l'histoire de sa mort. En effet, il n'est plus question de mort une fois qu'Oedipe devient aveugle, la disharmonie de sa vie de transforme en harmonie. Les cris, la tension, les violences extrêmes laissent place au silence et c'est dans ce silence qu'Oedipe devient aède, c'est dans ce silence qu'il renait. Oedipe qui ne regrettera pas de ne pas s'être percé les tympans, glissera qnd la paix de ce silence ses nouvelles notes."

-Réflexion sur la culpabilité: Oedipe est coupable mais pas responsable (pas moralement répréhensible même s'il commet une erreur). Les événements se sont révélés contraires à sa posture consciente. Allégorie des hommes, si Oedipe est coupable nous le sommes aussi.

-Nolwenn Mahé-



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