mercredi 7 décembre 2016

Oedipe, peste de Thèbes

CODE COULEUR : SOPHOCLE / PASOLINI


Le mot peste est par définition, une “maladie infectieuse contagieuse”, et comme l’a si bien dit Emma, ce mot vient du latin “pestis” signifiant maladie contagieuse ou fléau.
Dans l’oeuvre Oedipe roi de Sophocle ainsi que de Pasolini, la peste est mise en relation avec la tragédie et y joue un rôle très important. En quoi la peste est-elle dans la pièce de Sophocle et le film de Pasolini un moteur narratif qui installe le tragique, un moyen de montrer la relation entre les hommes et les dieux, une métaphore d'Oedipe ?


Tout d’abord nous pourrions dire que la peste est le moteur narratif dans l’oeuvre Oedipe roi.
Nous savons tout d’abord que qui dit tragique dit inévitablement mort. Par déduction, si le tragique signifie la mort, alors la peste, synonyme de mort, représente elle aussi également le tragique. La tragédie d’Oedipe est comme l’indique son nom une tragédie, ce qui signifie que la mort (Thanatos) est un thème redondant au travers de l’oeuvre. 
La peste est, dans l’oeuvre (film ainsi que livre) le moteur qui installe le tragique peu à peu. En effet, dans le film par exemple, de longs plans sont consacrées à la peste, et les cadavres défraîchis, en décomposition sont filmés au niveau du sol, comme un rappel la terre, l’endroit où sont enterrés les morts. Ces plans n’interviennent que tard dans le film, lorsqu’Oedipe commence à gouverner Thèbes, tandis que dans le livre, la peste est présente dès la première scène : elle ouvre la pièce dans une atmosphère de mort. Cela Installe chez le spectateur du dégoût, un sentiment de malaise vis à vis d’Oedipe, qu’il finit par associer comme la peste, la souillure qui “nourrit ce pays”, “l’homme qui contamine cette ville” tout comme le rapporte l’oracle à Créon. Ainsi, dans le livre les ravages de la peste présents dès le début installent d’entrée de jeu une atmosphère de maladie, comme une prémisse de la mort qui va arriver à la fin de la pièce (car la peste est, ne l’oublions pas, à l’époque une maladie incurable donc mort s’en suit inévitablement). Dans le film, Pasolini choisit de faire intervenir la peste plus tard, et nous pourrions émettre l’hypothèse qu’il décide de la faire intervenir plus tard dans le but d’insister sur la faute d’Oedipe, son parallélisme avec la peste : elle n’apparait aux yeux du spectateur qu’une fois qu’Oedipe est roi. Oedipe, roi ou souillure de Thèbes ?


Nous pourrions dire dans uns second temps que la peste est à travers l’oeuvre, la relation, le fil entre les hommes et les dieux.
En effet, ne l’oublions pas, l’essence de la tragédie est divin, c’est à dire que lorsqu’une malédiction est jetée, elle est supposément (selon les croyances de l’époque) jetée par un Dieu, pour punir un homme d’une quelconque faute. Les dieux sont tout puissants dans la tragédie, et lorsqu’une malédiction s’abat sur une personnage, la mort (thanatos) arrive forcément. Nous savons que la peste est une maladie incurable (mort s’en suit forcément) et donc nous pourrions voir en la peste une des répercutions de la malédiction divine jetée sur les Labdacides. Afin de “punir” Oedipe de son inceste et du parricide qu’il a commis (Car lorsque la peste intervient dans le film comme dans le livre, il a déjà commis le meurtre de son père et s’est marié à sa mère), la peste se propage sur la ville de Thèbe. Oedipe ne le sait pas mais cela est un signe divin. Dans le livre, Oedipe écoute, dès la première scène, son peuple le supplier de faire quelque chose afin de ralentir la peste qui se propage à pas de loup dans la ville. Créon revenant de chez l’oracle afin de trouver un remède à ce fléau, il rapporte que pour en venir à bout de la peste il faudra “Chasser la souillure que nourrit ce pays”, ne pas “la laisser y croitre jusqu’à qu’elle soit incurable”. Les dieux ayant donc envoyé la peste sur la ville comme un signe de la faute d’Oedipe donnent ici une piste afin de l’éradiquer : il faudra chasser un homme, qui est Oedipe. Dans le film, cette scène est similaire à quelques répliques près : “Pour vaincre l’épidémie qui accable Thèbes, il faut que l’homme qui la contaminée quitte cette ville” rapporte Créon. La peste est donc la relation entre le divin et l’humain car elle est une répercussion de la malédiction, des actes horribles d’Oedipe. 

Dans un troisième temps nous pourrions dire que finalement, la peste est une métaphore d’Oedipe.
En effet, nous savons que la peste est le fléau qui afflige Thèbes, et que comme le dit l’oracle, pour qu’elle disparaisse, il faudra se débarrasser de la “souillure qui nourrit ce pays”, qui “contamine cette ville” comme le dit l’oracle à Créon. Le spectateur/lecteur comprend donc puisse qu’il connait les pêchers d’Oedipe, que ce dernier EST celui qui “contamine” le pays. La peste n’est pas un thème choisit au hasard : le personnage d’Oedipe dans l’oeuvre peut être compris comme étant la peste qui infeste la ville de Thèbes. Pour que la vie de cette ville reprenne son cours il faudra qu’Oedipe s’en aille. Finalement, ce dernier est comme la gangrène dans ce “membre” qu’est Thèbes.
Oedipe d’ailleurs peut être ressenti comme “non” désiré dans sa vie comme il l’est dans la ville de Thèbes dès le début du film de Pasolini : lors de l’accouchement nous ne voyons ni son père ni sa mère comme si finalement les deux n’étaient même pas présents à la naissance de leur enfant. Il est par la suite, lors de sa vie à Corinthe, traité “d’enfant du hasard” par tous, qui ainsi le rejettent à propos des origines de sa naissance. Oedipe lorsqu’il apprend les dires sur sa malédiction va errer de village en village, et ce va et viens peut éventuellement rappeler ce rejet de tous. Dans le livre, Oedipe est également rejeté : il est la souillure qui salit la ville, et finalement, il ne le sait pas encore, il est rejeté de la seule ville où il aura su trouver plus ou moins sa place (c’est la seule place qui lui convient même si en fait c’est sa place au sein de cette ville qui va le perdre). 
Oedipe est donc la pourriture de Thèbe, tout comme l’est la peste, et nous pourrions donc associer les deux, qui sont tous deux coupables du malheur qui règne.
La peste n’est elle pas LA tragédie principale de l’oeuvre : le film et livres commencent par une naissance, puis vient a vie adulte, puis la maladie intervient, qui conduit à la mort douloureuse, au lieu d’une mort douce et naturelle (Cette mort douloureuse peut également être mis en relation non pas seulement avec la peste mais également avec la pendaison de Jocaste et l’auto mutilation d’Oedipe, qui sont racontés dans le livre et représentés dans la film). 



En conclusion, la tragédie joue un role majeur dans l’oeuvre Oedipe roi : elle est à la fois la moteur narratif du tragique, mais également la relation entre les dieux et les hommes, et représente aussi la métaphore de la vie d’Oedipe.

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