samedi 17 décembre 2016

La peste (article Layal)

Dans la pièce d’Oedipe-roi de Sophocle et l'œuvre cinématographique de Pasolini, la peste détient une place importante historiquement et symboliquement.  Après qu’Oedipe soit devenu roi et a épousé Jocaste, une Peste ravage la ville. Œdipe traduit cela par la colère des dieux face au meurtre non résolu du précédent roi (Laios, qu’Œdipe a tué sans le savoir en allant à Thèbes.) Ainsi à travers la Peste, les dieux exigent le châtiment du coupable. Cette Peste n’est autre que le point de départ de la découverte par Œdipe de l’accomplissement de son destin ( c’est-à-dire qu’il a tué son père et épousé sa mère). C'est un moment très important dans le mythe d'Oedipe, car à partir de ce moment commence la tragédie. En quoi la peste est- elle dans la pièce de Sophocle et le film de Pasolini un moteur narratif qui installe le tragique, u moyen de montrer la relation entre les hommes et les dieux, une métaphore d'Oedipe? 
      
      La peste est vue comme un fléau,c'est un grand mal qui s'abat sur la ville de Thèbes. Chez Sophocle la tragédie s’ouvre sur l’évocation de cette peste et motive la venue du Grand Prêtre et du chœur. Elle n’est pas montrée mais DITE. Son évocation est précédée de rites ou de « signes » : enfants « rassemblés là à genoux » « couronnés de rameaux suppliants » / « fumées d’encens » et « plaintives litanies » / « attitude suppliante >> . Chez le dramaturge, on retrouve une matérialité des mots, avec leur pouvoir de poétiser et de tenir l’horreur un temps à distance. La peste est seulement dite, mais le poids des mots permet au spectateur de visualiser l’horreur.
Pasolini lui représente la peste dans toute son horreur visuelle : matérialité des images.
  • A 53’ 10 : la peste s’empare de l’écran et saisit le spectateur doublement puisqu’elle succède à la liesse générée par la victoire d’Œdipe sur la Sphinx, à sa proclamation comme roi et à son mariage.
  • Le film rejoint la pièce de Sophocle : un cut brutal nous propulse de la nuit de noce au spectacle d’un pestiféré : soit passage de la souillure à ses conséquences.
  • La peste s’expose alors : lumière crue, gros plan sur le cadavre, plan de demi-ensemble laissant apparaître un bébé en pleurs puis des vautours, des corbeaux et un second cadavre, puis d’autres. Impression d’un no man’s land.
  • Auparavant, sur la route de Thèbes, Œdipe avait déjà croisé des habitants en fuite : exode pour s’éloigner du fléau.
  • L’ampleur des ravages est appuyée par une série de plans généraux et de panoramiques. Il s’agit pour Pasolini de montrer le sol jonché de cadavres : vision de désolation sur fond de chants funèbres féminins (pleureuses)/ corps abandonnés sous un soleil ardent dans un décor sec et inhospitalier.
  • A 1h 01’ : corps entourés de tissus bariolés sur des civières sud fond de chants funèbres et de lamentations.

        Par ailleurs, la peste assure chez Sophocle la dimension religieuse : elle est l’occasion de rites et représente la puissance des dieux sur les hommes, leur punition. Il est ainsi fait mention des « autels », des « temples de Pallas ». La strophe III du parodos mentionne le « violent Arès » qui vient assaillir et brûler les Thébains.
  • Dans le prologue de Sophocle, elle apparaît incontestablement comme un facteur de désordre dans la cité / religiosité inquiète : monde perturbé, chaos/ suscite pitié et crainte
  • Dans la tragédie, elle opère comme le déclencheur de l’intrigue et conduit Œdipe à devenir le « pharmakos », soit le remède/ bouc émissaire. C’est elle qui conduit le peuple à implorer l’aide d’Œdipe et c’est elle conséquemment qui le conduit à mener l’enquête : L 134 « je m’en vais vous éclaircir l’affaire ». Elle permet aussi alors de souligner la pitié de ce roi pour son peuple « le mal vous frappe tous mais nul n’en souffre plus que moi. » « la souffrance de chacun d’entre vous devient la mienne », « leur souffrance a bien plus de poids que le souci de ma personne ». Pasolini conserve ces éléments.
  • Elle justifie la consultation de l’oracle d’Apollon par Créon

   Pour finir, la souillure résulte du meurtre de Laïos et de l’inceste : soit des fautes graves qui retentissent sur le peuple. Elle condamne les hommes d’aujourd’hui mais se présente aussi comme une menace pour l’avenir (malédiction). Œdipe incarne cette souillure.
Pasolini semble représenter cette catharsis à deux reprises : la crémation lors de la procession mortuaire à 1h03’/ la présence d’un feu sur les marches du palais lorsqu’Œdipe ressort après le suicide de Jocaste et l’énucléation. La catharsis a opéré : la souillure s’exile tandis que la peste a cessé. 

Ainsi la Peste annonce la chute de l’œuvre, la découverte de l’affreuse vérité pour Œdipe.

Layal

1 commentaire:

  1. C'est un devoir très réussi ! Bravo ! (Attention toutefois à la maîtrise de la langue)

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