jeudi 1 décembre 2016

De Sophocle à Pasolini, un choeur à travers les âges...

Au théâtre grec, le Chœur était composé de quinze hommes appelés choreutes et chantait au son de la cithare. Les choreutes, contrairement aux acteurs, jouaient sans masques. Le Chœur était dirigé par un chef, le coryphée ; il guidait les choreutes et dialoguait parfois avec les personnages de la pièce ; le Chœur était également le lien de transition d’une scène à une autre à la place de rideaux comme de nos jours. Dans la tragédie grecque, la présence du Chœur était indispensable. Le Chœur commentait les actions des pièces et exprimait généralement les sentiments des spectateurs. Sophocle et Pasolini ont brillamment fait le choix d’intégrer dans leurs deux œuvres d’Œdipe Roi, la présence du Chœur mais sous différentes manières. Chez les deux auteurs, le Chœur joue un rôle primordial ; on pourra alors se demander on essaiera de voir dans un premier temps quels liens nous pourrons établir avec la dimension politique du Ve siècle. Puis, dans un second temps, quel rôle joue le Chœur dans la pièce les deux œuvres d’Œdipe Roi ?

Tout d’abord, la dimension politique du Ve siècle prenait une place importante dans les tragédies de théâtre grec antique. Le théâtre était souvent un instrument de critique et permettait indirectement d’apeurer les citoyens et de leur donner des exemples de leçons. En effet, en mettant en scène des personnages humains face à des Dieux, cela donnait la possibilité de renforcer la crainte des grecs face à cette puissance divine, et donc de maintenir un certain ordre (économique, commercial et politique) au sien de la cité. Egalement, le personnage principal joué dans les tragédies avait rarement le choix de s’en sortir vainqueur ou indemne (face à son destin) ce qui implicitement pouvait intimider les citoyens et les pousser à maintenir une logique de soumission ou de passivité. De plus, ces spectacles étaient la plupart du temps organisées lors de fêtes religieuses - en l’honneur du Dieu Dionysos - appelées les dionysies. Ces fêtes étaient organisées par l’Etat ce qui fait qu’elles avaient, derrière leur caractère religieux, un caractère politique. Allant au-delà de la représentation même, les pièces de théâtre étaient à l’origine de concours : deux à trois auteurs devaient présenter leurs pièces et un gagnant était élu. Sophocle, qui lui-même était très actif au sein de la cité d’Athènes, a plusieurs fois participé à ces concours et en est ressorti maintes fois gagnant.

Ensuite, le Chœur est un des éléments les plus importants de la tragédie grecque. Il désigne un ensemble d’une quinzaine de figures masculines et est le seul capable de briser le quatrième mur au théâtre (mur invisible qui sépare les spectateurs de la scène). Dans la pièce de Sophocle, le chœur rassemble un groupe de citoyens Thébains, ce sont eux qui font porter la voix de la ville : ses maux, ses demandes, etc. à Œdipe le roi. Dans le film de Pasolini,il n'apparaît que dans la seconde partie du film et n’a pas de présence constante. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnages qui désignent le Chœur, parfois il s’agit d’un groupe bien distinct de personnes qui sont présentes lors de scènes importantes concernant Œdipe. On le retrouve durant la consultation de la pythie où un groupe de personnes assistent à la scène de révélations ; lorsqu’après cet annonce et qu’il revient sur ses pas, tous le regarde silencieusement comme des spectateurs, tel le chœur. De plus, les scènes de la peste où un groupe de thébains est représenté plus au bas de la place de la ville pourrait faire référence à l’orchestra : lieu où se situe le chœur dans la tragédie. Il s’y exprime et témoigne de ses émotions, ses pensées, etc. Il ne fait pas que cela, il s’exprime aussi par la danse et en chantant ce qui donne une dimension lyrique à la tragédie. On le remarque également dans le film de Pasolini, lorsqu’Œdipe traverse le désert et se retrouve au beau milieu de villageois célébrant un mariage ; on assiste alors à des chants et de la danse, clin d’œil du rôle du chœur. De plus, comme nous l’avons dit plus tôt, le chœur a la caractéristique de beaucoup extérioriser ses émotions. On le remarque dans le film de Pasolini, lorsqu’Œdipe arrive à Corinthe dans les bras de Polybe : on assiste à des chants et de la danse. Egalement lorsqu’Œdipe rencontre Jocaste pour la première fois, on note un rétrécissement du plan de la caméra en gros plan sur les émotions intenses du visage. Egalement, cet insistance du gros plan sur le visage d’Œdipe se répète à chaque consultation prédicatrice, que ce soit par Tirésias, ou les oracles.
Enfin, une dernière forme de présence du chœur dans le film se fait à travers la musique. Elle apparaît dans toutes les parties du film et par différents instruments : la flûte, les tambours/ ou tam-tam. Elle survient généralement entre deux scènes comme dans les tragédies, lorsque le chœur servait de transition.


Pour conclure, nous pouvons dire que le chœur est un personnage primordial, sous toutes ses formes. Il sert non seulement d’intermédiaire entre le public et la scène, mais aussi entre chaque partie d’une pièce, comme il apparaît chez Sophocle. Par contre, chez Pasolini, le chœur se découpe sous différentes facettes. Cette multiplicité de modèles apporte au personnage un caractère intemporel : le chœur voyage à travers les siècles, comme l’a su montrer Pasolini dans son film. En effet, chez le cinéaste, il est à la fois des groupes de personnages, une danse, un chant et une musique.

Lauren C.

1 commentaire:

  1. C'est un excellent travail, qui répond à al question posée. Il faudrait cependant que vous vous référiez davantage à la pièce de Sophocle (en donnant des exemples précis).

    RépondreSupprimer