Le choeur

Le chœur est un élément fondamental à la tragédie grecque, autant dans la structuration de l'intrigue que dans l' animation de la pièce. C'est sans doute pourquoi il occupe une place majeure dans la tragédie antique où il est systématiquement présent, comme en témoigne ses apparitions récurrentes dans l’adaptation de Sophocle du mythe d’œdipe. Mais dans sa réécriture cinématographique du mythe, Pasolini, n’a pas oublié cet élément essentiel de la tragédie grecque et réussit à retranscrire le chœur dans son œuvre Oedipe roi d'une manière subtile et poétique. Nous nous intéresserons à la représentation des deux auteurs du chœur dans leurs œuvres respectives mais aussi aux différentes fonctions qui lui ont été attribuées.

Dans les représentations dramatiques antique le chœur était constitué d'une assemblée de personnes en tout genre. Il pouvait donc se composer d'hommes ou de femmes, de jeunes gens ou de vieillards , de citoyens ou d'esclaves, de prêtres, de soldats, de divinités ou d'êtres fantastiques etc..Il était souvent d'usage qu'il intervienne sur le plan lyrique ou dramatique.

En effet, Le chœur est un observateur rapproché de l'intrigue, il peut donc être assimilable au public. On se souvient que dans le film de Pasolini , le spectateur se pose en voyeur comme il l'est clairement montré dans la scène d’accouchement ou on se trouve à la fenêtre. C’est dans ce cadre que le chœur peut fusionner avec le public dans le film.

Cependant, il est vrai que le chœur et le public sont également étroitement liées dans la tragédie antique. Dans la tragédie de Sophocle, le chœur est constitué de 15 choreutes dirigés par le Coryphé . A travers ce dernier, le choeur peut interragir avec les personnages. En effet, grâce à cette capacité chœur contribue au déroulement de la tragédie et se pose en véritable entremetteur.

Dans ce cadre, le chœur peut jouer un rôle moralisateur, car il peut être le porte-parole du peuple, du public, de la raison. Il va donc commenter la pièce et donnant son opinion. Son côté moralisateur est d’autant plus visible dans la scène de confrontation entre Œdipe et Créon comme en témoigne son intervention : « Ô princes, arrêtez ! » . Le chœur est donc un corps sage, qui pousse également les spectateurs ou lecteur à s'interroger sur les enjeux philosophiques abordés dans le mythe comme, la notion de bonheur qui est la principale source de réflexion: « Gardons-nous jamais d’appeler un homme heureux avant qu’il ait franchit le terme de sa vie sans avoir subi de chagrin ». Le chœur, en plus de ses nombreuse fonctions, va donc également incarner des valeurs morales et civiques.

Mais malgré son interaction avec les acteurs le chœur ne participe que de manière indirecte dans l'action du film, ce qui nous fait revenir au fait qu’il soit observateur et non acteur.

Il également important de souligner que le chœur a une portée lyrique sur la pièce, qui anime considérablement la mise en scène et qui rend l’intrigue plus palpitante.

En effet, dans son orchestre, le chœur intervient avec ses chants récurrents. Ces scènes mêlent chant et danse. Comme en témoigne le film de Pasolini par une forte présence de la musique c'est pour cela que Pasolini parle même de « cinéma de poésie ». Le film est autant lyrique que la tragédie.

Dans son adaptation cinématographique, PPP, dans son désir de faire du cinéma de poésie rend justice à la dimension lyrique qui était d'usage dans les représentation antiques du chœur.

Ainsi, la présence du chœur est perspective dans le film grâce à la musique mais aussi à sa dimension artistique. PPP incorpore toutes sortes de registre musicaux : folklores africains, roumains, … ce qui nous rappelle la diversité des personnes qui pouvaient constituer le chœur dans la tragédie antique.

On a aussi des musiques qui ont une signification particulière. En effet, la présence de thèmes récurrents sont perspectibles dans le film : Le thème du père, un air militaire, le quatuor en u majeur de Mozart pour la mère et enfin, le thème du destin, flûte disconnante et tragique. Ce même instrument fera partie intégrante du destin d'Oedipe qui finira joueur de flûte après sa mutilation et pendant son exil.

Le chœur dans le théâtre, participe de manière indirecte à l’action. Pasolini a voulu insister sur ce fait en le rendant presque inperspectible dans son oeuvre en ponctuant son film d’apparitions subtiles de personnages tels que des groupes de personnes qui aurait pu nus évoquer le chœur. En effet, chez Pasolini, on peut constater la présence de foules ou de groupes humains que l’on peut rapprocher d’un chœur. Comme par exemple, le peuple de Thèbes lorsqu’Œdipe s’approche du palais, ou encore les femmes vêtues de noir sur un fond de lamentations.

Mais les fonctions du chœur ne s'arrêtent pas là. En effet, au même titre que les messagers, utilise des sous-entendus (subtils ou pas) afin d'illusterer ce que les règles de bien seance ne permettent pas d'être représenté sur scène. Mais il fait ainsi allusion à l'inceste quand il déclare :« Ah ! noble et cher Œdipe ! Ainsi la chambre nuptiale a vu le fils après le père entrer au même port terrible ».

Pour conclure, le chœur est un élément essentiel dans les deux représentation dramatique et cinématographique, bien que plus marqué chez Sophocle. Pourtant les deux auteurs mettrons le chœur au service des dimensions philosophiques, tragiques, morales et lyrique du mythe d'Oedipe, faisant de ces adaptations, des chef d’œuvres intemporels.