Largement utilisée depuis Homère (lors du récit d'Ulysse au cœur de l'Odyssée), la mise en abyme qui est un procédé littéraire qui consiste à représenter dans un récit une réflexion ou une représentation du récit lui-même, tient sa définition d’André Gide qui je pense serait bon de préciser n'a pas inventé le procédé mais y a plutôt apporté une définition dans son journal intime. Et c'est justement avec Les Faux-Monnayeurs que Gide va lui donner une extension considérable plus qu'il avait déjà fait usage de ce procédé auparavant. Nous allons donc tenter de savoir pourquoi peut-on parler de mise en abyme à propos des Faux-Monnayeurs ?
Si le procédé intéresse notre auteur c'est parce-que il répond à son besoin paradoxale de montrer tout en cachant une certaine réalité. De ce fait le procédé permet de mettre à distance toute tentation de trouver à l'intérieur de son oeuvre une vérité immuable. Le lecteur prend alors conscience d’être au cœur d'une oeuvre d'art, une oeuvre factice qui a été construite de bout en bout et soigneusement élaborée. Nous pouvons alors nous demander si Les Faux-Monnayeurs sont un exemple phare de ce procédé ? Le texte se présente comme la conjugaison de deux discours : celui du narrateur et celui d’un personnage principal, le romancier et l’intrigue ainsi menée est sans cesse doublée par le journal d’Édouard qui livre là ses réflexions littéraires, ses doutes, son ambition de renouveler le roman, mais Édouard est lui-même sous le regard du romancier qui porte un jugement sur ses personnages. D'où la présence d'une double forme de mise en abyme: Au sens large et au sens restreint. En une véritable spirale, Gide crée donc à la fois une fiction et « un discours sur la création de cette fiction ».
Il s'agit de réflexions menées par André Gide lui-même dans Journal des Faux-Monnayeurs. Et à propos du jugement du lecteur, Gide dira: «Tant pis pour le lecteur paresseux: j'en veux d'autres. Inquiéter tel est mon rôle. Le public préfère toujours qu'on le rassure. Il en est dont c'est le métier. Il n'en est que trop« (JFM, II, 29). Le roman traite donc d'un écrivain qui s'inspire de la réalité pour écrire un roman qui s'appelle Les Faux-Monnayeurs : la mise en abyme est indéniable. André Gide traite de la création romanesque elle-même.
On en conclut donc que la construction entière du roman repose sur une mise en abyme et Les Faux-Monnayeurs sont un exemple phare de ce procédé. Ce qui en fait une sorte de mode d’emploi de la transformation du réel en fiction, que ce soit principalement dans le journal d’Édouard, dans son carnet mais aussi dans ses discussions, en particulier la conversation que tient Édouard avec Laura et Mme Sophroniska. De même, nous avons là une composition complexe du roman reposant sur une multitudes d'intrigues et de voix (polyphonie) qui aux premiers abords peut "embrumer" le lecteur mais qui grâce à la mise en abyme apporte un éclairage suffisant sur les objectifs de l'auteur vis-à-vis de son oeuvre, révélant ainsi sans conteste la part du génie de l'auteur.
Ruddy LIMA EVORA
C'est un excellent devoir. Bravo !
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