samedi 4 mars 2017

Carnet de citations de Ruddy

1 « Je n’écris que pour être relu. » - Le journal des Faux-monnayeurs
Cette citation d’André Gide dans son journal nous permet de décrypter la lecture des Faux-monnayeurs et par la même occasion de s’interroger sur son processus d’écriture et de création du roman. Ce qui fait l’importance du journal des Faux-monnayeurs c’est cette habilité que nous lecteurs avons à pénétrer l’entre d’André Gide dans lequel il a fait la mise au point et l’élaboration de son projet romanesque. À la fois carnet de travail et laboratoire de création, le Journal des Faux-monnayeurs est le témoin du dialogue constant de l’écrivain avec lui-même, dont l’œuvre est le produit. A travers cette citation, André Gide montre bien son intérêt particulier pour la position du lecteur. Ainsi de par les différents points de vue de son récit, il questionne d’emblée le genre romanesque dans son ensemble.

2 « Le mauvais romancier construit ses personnages ; il les dirige et les fait parler. Le vrai romancier les écoute et les regarde agir. » - Le journal des Faux-monnayeurs
C’est une des citations qui me parlent le plus car elle permet de rendre compte de la particularité sans précédent du travail d’André Gide mais aussi du renouveau romanesque dans lequel il s’inscrit. Ici, Gide met en lumière la genèse de son roman et permet d’aborder la crise du roman au XXe siècle. Car on le sait, le XXe siècle est celui où le roman connait son apogée et il en devient le genre littéraire le plus populaire. Trois grands mouvements se succèdent alors : le Romantisme, le Réalisme et le Naturalisme. Alors si notre écrivain nous dit que : « Le mauvais romancier construit ses personnages ; il les dirige et les fait parler » c’est parce-que en tant que bon auteur du XXe siècle, Gide et ses comparses  rejettent les esthétiques qui ont constitué ces trois grands mouvements et à l’inverse ils recherchent de la liberté à travers leurs œuvres et veulent innover. Cela passe nécessairement par le rejet de conventions narratives comme par exemple la place du personnage principal (qui bien-sur n’en est qu’une parmi tant d’autres) avec le fait de :
•    Donner des informations sur son physique
•    Définir son statut social
•    Livrer ses motivations
•    Raconter son passé
Se détachant ainsi complètement de ce que pourrait être l’œuvre de Madame Bovary même si Flaubert lui ne se revendique pas pour autant du réalisme.

3 « Plenty and peace breeds cowards; hardness ever of hardiness is mother.” Shakespeare - Les Faux-monnayeurs, III page: 33
On remarque que dans le roman de Gide, il y a à chaque en-tête de chapitre une citation. Celle-ci est annonciateur des évènements à venir ou tout simplement une indexation thématique en tête de chapitre. Cette phrase de Shakespeare évoque ici un lien à la famille, au courage, à la lâcheté et un lien à la mère. De ce fait, cette citation condense l’état de Bernard Profitendieu après sa rupture familiale (thématique récurrente et très importante dans ce roman). Événement qui permet ainsi un premier élément de boucle créé par ce livre. Ces citations permettent ainsi de jouer un rôle de fil conducteur entre les chapitres, traduisant ainsi une dimension littéraire très forte dans ce roman.

4 « Rien n’est simple, de ce qui s’offre à l’âme ; et l’âme ne s’offre jamais simple à aucun sujet. » Pascal - Les Faux-monnayeurs, X page : 301
En plus d’une véritable portée philosophique, cette citation porte une réflexion sur les mystères de l’existence et sa complexité.

5 « - […] Mais maintenant, à votre tour, dites-nous : ces faux-monnayeurs… qui sont-ils ? - Eh bien ! Je n’en sais rien, dit Édouard. […] À vrai dire, c’est à certains de ses confrères qu’Édouard pensait d’abord, en pensant aux faux-monnayeurs ; et singulièrement au vicomte de Passavant. » - Les Faux-monnayeurs, III page : 188
C’est dans ce chapitre que la question du titre, dans toute son ambivalence, est explicitement évoquée. Comme dans toute œuvre, le titre nous prépare à ce qui va s’en suivre et il est souvent révélateur de la suite des événements. Sauf que dans cette œuvre, le titre n’a rien à voir avec le livre. On ne nous raconte pas une histoire de trafic d’argent, ou d’escroquerie comme pourrait laisser présager le titre, mais bien au contraire Gide a choisi ce titre intentionnellement afin de « brouiller les pistes ». Dans les Faux-monnayeurs, l’argent est omniprésent mais on comprend vite qu’il n’est qu’un des éléments réel et symbolique des échanges qui se produisent dans le roman. La construction de ce roman est très complexe avec des genres narratifs multiples. On est donc bien loin de la narration linéaire classique à laquelle se rattache les règles romanesque de l’époque. Mais cela n’est pas sans rappeler le génie d’André Gide qui est d’user de ces manœuvres afin de montrer les limites du roman traditionnel.

6 « Je me suis bien gardé de laisser paraître les raisons que j'avais de m'intéresser à lui » - Les Faux-monnayeurs
Cette phrase est la déclaration faite par Sophroniska à propos de Boris. On peut en déduire que l’intérêt qu’elle porte à l’enfant est donc une "fausse-monnaie". Ceci dit, on pourrait aussi penser de même pour Edouard  et les fausses raisons qui lui font placer Boris près de La Pérouse. Il y a alors une véritable ambigüité concernant les symbolismes de la fausse monnaie, avec une troisième partie centrée sur les "monnaies d’échange".

7 «L’égoïsme familial… à peine un peu moins hideux que l’égoïsme individuel. » - Les Faux-monnayeurs, XII Journal d’Edouard (suite) page : 116

8 «L’avenir appartient aux bâtards. – Quelle signification dans ce mot : "un enfant naturel !" Seul le bâtard a droit au naturel. » - Les Faux-monnayeurs, XII Journal d’Edouard (suite) page : 116

9 «La famille…, cette cellule sociale. » Paul Bourget (passim) – Les Faux-monnayeurs, XII Journal d’Edouard (suite) page : 115

10 «Et au-dessous de la signature des trois Hommes forts, sur la feuille maudite, il inscrivit son nom, d’une grande écriture appliquée.» - Les Faux-monnayeurs, XVII page : 366

11 « Le traité de la non-existence du diable. Plus on le nie, plus on lui donne de réalité. Le diable s'affirme dans notre négation. » - Les Faux-monnayeurs, III page : 34
12 « Le véritable hypocrite est celui qui ne s’aperçoit plus du mensonge celui qui ment avec sincérité. » - Le journal des Faux-monnayeurs, page : 48

13 « Ce qu´il y avait de beau dans notre amitié, c’est que, jusqu’à présent, nous ne nous étions jamais servis l’un de l’autre. » - Les Faux-monnayeurs, I page : 14

14  « Je ne me sens plus le même qu’avant de l’avoir connue et il y a des pensées que je n’ose plus formuler, des mouvements de mon cœur que je refrène. » - Les Faux-monnayeurs, I page : 169
Pour Bernard, la quête de soi s´approfondit dans cette deuxième partie. Il reconnaît être en pleine maturation. Ses sentiments envers Laura le transforment et font de lui un homme. Quand celle-ci se confie à lui, il comprend la profondeur de la vie et commence à se défaire de sa tendance à jouer des personnages.



1 commentaire:

  1. Un très beau carnet de citation, avec des justifications très développées ! Bravo !

    RépondreSupprimer