vendredi 17 mars 2017

L'aventure d'une écriture.

Les Faux-Monnayeurs, d’André Gide est le roman qui révolutionne le genre romanesque. En effet, Gide met en œuvre une version inédite, et nouvelle du roman. Il multiplie les intrigues, intègre des interventions et commentaires sur ses personnages, et il varie les points de vue. C’est l’aventure d’une l’écriture dont il est question chez Gide. Il se détache totalement de tout mouvement littéraire et dénonce le roman traditionnel. Plus précisément, André Gide innove le roman. La mise en abyme est un procédé essentiel dans son écriture, en particulier dans les Faux-Monnayeurs. Or, celui-ci n’évoque pas la mise en abyme dans son Journal des Faux-Monnayeurs mais dans son Journal, et c’est à partir de ce roman que l’expression a été forgé : « J'aime assez qu'en une œuvre d'art, on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre par comparaison avec ce procédé du blason qui consiste, dans le premier, à mettre le second en abyme. » Ici, il s’agira de répondre à la question : Pourquoi peut-on parler de mise en abyme à propos des Faux-Monnayeurs ? En premier lieu nous verrons les différents types de mise en abyme présentent dans l’œuvre et ensuite quel est l’intérêt de la mise en abyme.

Pour commencer, on peut dire qu’il existe différents types de mise en abyme dans Les Faux-Monnayeurs.
En effet, nous avons la mise en abyme large. Dans Les Faux-Monnayeurs, il y a une multitude d’intrigues secondaire qui se tissent autour de l’intrigue principale. Beaucoup de personnages secondaires donnent leur point de vue sur l’action. Par exemple, quand Passavant invite Olivier à venir avec lui en Corse, on a affaire aux points de vue de Bernard, Edouard, Vincent, et Pauline la mère des enfants Molinier sur ce voyage. En effet, Gide délègue la parole autant que possible à différents personnages pour narrer une même action. De plus, Gide met aussi en abyme des faits réels dans son livre. Plus précisément, dans le Journal des Faux-Monnayeurs, Gide dit « J'ai ressorti ce matin les quelques découpures de journaux ayant trait à l'affaire des faux-monnayeurs. (…) » « Il s'agit de rattacher cela à l'affaire des faux-monnayeurs anarchistes du 7 et 8 août 1907 – et à la sinistre histoire des suicides d'écoliers de Clermont-Ferrand (5 juin 1909). Fondre cela dans une seule et même intrigue. » ; « Hier, (…) j'ai surpris un gosse en train de subtiliser un livre ». Ces extraits montrent que l’œuvre est inspiré de faits réels. Les faux-monnayeurs ont bien existé, et le suicide du jeune Boris est le reflet de celui d’un adolescent de Clermont-Ferrand. André Gide s’aide ainsi de fait divers pour écrire son histoire. C’est finalement par le billais d’Édouard, à travers son journal que Gide fait le choix de raconter cette anecdote. On comprend donc que certains événements dans Les Faux-Monnayeurs ne sont qu’une mise en abyme faite à partir de faits réels. Encore, le Journal d’Edouard est une mise en abyme du Journal des Faux-Monnayeurs de Gide. En effet, dans son Journal, Edouard pose comme Gide, ses réflexions sur le processus de création, il expose ses idées pour son roman, et essaye de les organiser. Le Journal d’Edouard, comme le Journal des Faux-Monnayeurs montre la complexité de l’écriture, ainsi que de la création, mais aussi l’aventure de l’écriture qu’effectuent André Gide et Édouard pour tous les deux écrire leurs romans. La mise en abyme répond au besoin d’André Gide, de montrer tout en dissimilant. C’est grâce au Journal d’Édouard que l’on connait certains événements qui se sont passer en dehors du cadre du Journal, ou bien des informations non mentionnées. Par exemple, c’est par le journal d’Edouard que l’on apprend que Bernard est retournée chez sa famille, et que sa mère a quitté le cocon familial.
Ensuite, dans Les Faux-Monnayeurs, on a aussi affaire la présence d’une mise en abyme restreinte. En effet, Gide met en place dans son œuvre ce procédé inédit, qui va marquer l’histoire du roman. Celui-ci met en scène un personnage, qui est un romancier, et qui cherche à écrire un roman du nom des Faux-Monnayeurs, du même titre que le roman qu’André Gide écrit. Ce romancier, du nom d’Edouard, tient lui-même un journal comme Gide avait tenu le sien. A partir de ces analyses, on comprend que le personnage d’Edouard n’est qu’une mise en abyme d’André Gide. En effet, Edouard est en quelque sorte la voie de Gide dans le roman. Ils ont les mêmes réflexions esthétiques, et ils veulent tout deux écrire le même livre. Or, on peut nuancer ce tableau, car au final Edouard n’est pas le double de Gide. Autrement dit, André Gide se sépare de lui. Dans le Journal des Faux-Monnayeurs, Gide dit d’Édouard être un « amateur, un raté », car au contraire de lui, Edouard n’arrivera jamais à écrire ses Faux-Monnayeurs. Enfin, on remarque aussi une mise en abyme de la littérature à travers le phénomène de citations d'auteurs. En effet à chaque début de chapitre, on a une citation d'un auteur. On comprend, que ces citations sont des indicateurs du thème dont il est va être question dans le chapitre suivant. Par exemple, à la page 71 la citation que l'on relève est « Il faut choisir d'aimer les femmes, ou de les connaitre ; il n'y a pas de milieu » - Chamfort. Cette citation qui se trouve avant le Chapitre VIII, nous donne une piste sur ce dont il va être question dans le chapitre, : surement d'une femme. En effet, en lisant le chapitre, on comprend qu'il est question de Laura, et on découvre à travers le point de vue d'Edouard sa relation avec le personnage d'Edouard, ainsi que les circonstance de la rencontre de Vincent et de Laura. 

Ensuite, on peut se demander, quel est l’intérêt pour Gide de ce procédé qu’est la mise en abyme.
En effet, la mise en abyme permet à l’auteur de porter un regard critique sur son écriture. La mise en abyme permet à André Gide de partager ses réflexions sur l’art du roman, de les mettre à distance et de les questionner. On comprend ici que la mise en abyme est un procédé de questionnement, et dans le livre ce procédé repose sur des personnages tel que Édouard, Sophroniska et Passavant. En effet, Gide repartit le discours sur le roman, même si la plus large part est réservée au Journal d’Edouard. Par exemple, dans la deuxième partie du roman qui se déroule à Saas-Fée en Suisse, Edouard nous faire part à travers ses dialogues avec Sophroniska, de ses réflexions sur le livre qu’il est en train d’écrire. Plus précisément, lors de la discussion dans la chambre des femmes entre Sophroniska, Laura, Edouard et Bernard, Edouard dit vouloir écrire un roman innovateur, et il dit rejeter le roman traditionnel et réaliste. Cela ne rappelle-il pas les mêmes aspirations qu’André Gide ? Ce que veut écrire Edouard, mais aussi Gide quelque part, c’est « un roman qui serait à la fois aussi vrai et aussi éloigné de la réalité, aussi particulier et général à la fois » 
De plus, c’est surtout à travers le personnage d’Édouard que Gide questionne Les Faux-Monnayeurs. Tout d’abord, il questionne le roman traditionnel. En effet, Edouard s’y oppose et donne l’idée qu’il faut donner « une lutte entre les faits proposé par la réalité et la réalité idéale ». Par exemple, il refuse d’insérer le suicide du jeune Boris à son roman car c’est un fait divers, alors que Gide lui se sert du fait divers pour construire son roman. Pour Edouard, il faut insister sur le travail de construction du roman, c’est cela qu’il faut mettre en valeur. Encore, Gide interroge cette quête du roman pur. En effet, Edouard est un partisan du roman pur, mais André Gide en montre les limites, car à force de cherche la pureté du roman, Edouard finit par ne pas écrire son livre. Enfin, à travers le personnage Edouard, André Gide va finalement interroger le but du roman. Le roman sert à faire passer un message. Dans l’extrait ou Edouard arrive chez les Molinier et se rend compte que l’enfant qu’il avait surpris en train de voler un livre est en fait son neveu Georges, Gide va problématiser ce sujet. En effet, Edouard quand il va voir Georges, va lui soumettre un extrait du roman qu’il est en train d’écrire. A travers son roman, Edouard va chercher à moraliser le jeune homme. On retrouve cet objectif de moralisation du lecteur aussi dans l’œuvre d’André Gide. Les Faux-Monnayeurs, roman d’apprentissage, roman de mœurs, et de l’adolescente perverse, assure une fonction morale et idéologique.

Pour conclure, on peut dire que la mise en abyme est un des thèmes principaux du roman de Gide, car elle est utilisée dans tout le roman. Edouard, mise en abyme de Gide, lui permet de réfléchir sur son roman ainsi que sa conception. La mise en abyme apporte une complexité de plus aux Faux-Monnayeurs, mais elle permet aussi de nous éclairer sur qui était André Gide, et quel était son objectif vis-à-vis de cette œuvre.






1 commentaire:

  1. C'est un excellent travail ! Et bravo, c'est mieux pour la maîtrise de la langue !

    RépondreSupprimer