André
Gide, fut élever dans une famille avec de très forte traditions religieuses et
très stricte moralement. Pendant son enfance et son adolescence il sera accablé
par la sévérité ainsi que par les contraintes. Cette éducation religieuse a
fortement influencé ses œuvres, notamment Les
Faux-Monnayeurs, dans laquelle on retrouve une interrogation permanente de
Gide sur le bien-fondé des interdits religieux. Dans le Journal des Faux-Monnayeurs, Gide écrit, que « sujet central du lire »
pourrait être « le traité de la non
existence du diable ». En effet, dans Les Faux-Monnayeurs, on a l’apparition récurrente de l’ange et la
présence permanente du démon. On comprend donc, que derrière ces figures se
cachent une signification particulière. Ici, il s’agira de répondre à la
question : Comment le thème du diable et de l’ange apparait-il dans
l’œuvre d’André Gide ? En premier lieu, nous verrons la présence de l’ange
dans les Faux-Monnayeurs ainsi que sa signification, ensuite celle du démon
dans les Faux-Monnayeurs et le Journal des Faux-Monnayeurs, et enfin la
symbolique de ces figures.
Pour commencer, dans Les Faux-Monnayeurs on a la présence de
la figure de l’ange.
En
effet, l’ange n’est visible que par certains personnages. Bronja, la fille de
Sophroniska et Bernard sont les seuls qui sont capables de les voir. Tout
d’abord, Bronja dit qu’elle voit des anges, et elle les cherche. Elle essaye
d’emmener Boris dans son monde, qui essaye désespérément de voir les anges,
mais n’y parvient pas. On comprend que comme ils cherchent et voient les anges,
Boris et Bronja sont les modèles de la pureté et de l’innocence. Aussi, Bronja
peut être considéré comme l’ange gardien de Boris. En effet, c’est elle qui lui
permet de rester lucide, de ne pas dériver. Elle est tout son monde, elle le
guide, elle est son ange. Or, ces deux personnages ne vivront pas longtemps car
pendant que Boris sera à la pension Vedel-Azaïs à Paris, celui-ci va apprendre
la mort de Bronja, qui est « maintenant
avec les anges ». C’est quelques jours plus tard que Boris dans le
désespoir de la mort de son amie, ainsi que de la haine de la vie qu’il mène
dans la pension va emprunter le mauvais chemin et intégrer « La Confrérie des hommes forts », qui va le mener à sa
mort.
Ensuite,
le personnage de Bernard est aussi l’un des rare « privilégié » qui peut voir la figure de l’ange. En
effet, lorsque celui-ci obtient son baccalauréat, il n’a personne avec qui
partager sa joie. De ce fait, il décide de s’asseoir dans le Jardin du
Luxembourg et il commence à réfléchir sur ses différentes perspectives
d’avenir. De ce fait, le jardin prend une dimension symbolique. Ce n’est pas
seulement un endroit de promenade, mais ici il représente l’épreuve
existentielle de Bernard. C’est aussi dans le Jardin du Luxembourg que l’ange
va apparaitre pour la première fois à Bernard. Ainsi, il prend une dimension
onirique et merveilleuse. Gide disait même dans le Journal des Faux-Monnayeurs que le Jardin du Luxembourg « doit rester un lieu aussi mythique
que le foret des Ardennes dans les féeries de Shakespeare ». Là,
l’ange va se présenter à Bernard, et ils vont se promener ensemble jusqu’à arriver dans un endroit
où l’ange va pousser Bernard à s’engager, mais celui-ci refusera. Enfin, le
soir quand Bernard retourne à la pension, cette fois-ci il n’est pas tenter de
passer par la chambre de Sarah comme il le fait généralement chaque soir depuis
le banquet des Argonautes. C’est comme si le démon après la rencontre de l’ange
avec Bernard n’avait plus aucun effet sur lui. Arrivé dans sa chambre, Bernard
va se battre avec l’ange, mais il semblerait que c’est plus une bataille
intérieure car le petit Boris qui assiste à la scène ne voit pas l’ange. Le
lendemain, après cette bataille avec l’ange, on assiste à la Renaissance de
Bernard, comme si après sa bataille avec l’ange, il avait compris le sens de sa
vie, et son rôle dans le monde.
Enfin, même s’il ne voit pas les
anges, Edouard peut être considéré comme un ange gardien pour certains dans la
mesure où ils les aident à sortir de leur situation ou de l’améliorer. En
effet, c’est lui qui prend en charge Laura jusqu’à ce que celle-ci retourne
avec Douviers, c’est lui qui permet à Bernard d’avoir un travail, de voyager,
et donc de se découvrir, aussi il propose à Olivier de le recueillir après sa
décision de quitter Passavant et il le sauve lorsqu’il essaye de se tuer. Or,
on peut nuancer car on sait que Edouard est un personnage ambiguë dans son
attitude, et que tout ce qui l’entoure n’est qu’un simple sujet pour son roman.
On pourrait donc se demander si derrière toutes ces bonnes actions, il ne se
cache juste-il pas un moyen d’avoir de quoi écrire pour son roman ?
De plus le critique Benjamin Crémieux
qualifie Les Faux-Monnayeurs de «
roman diabolique où le Ciel et l’Enfer luttent sans arrêt ». Le roman peut être qualifié de démoniaque, car la figure
du diable parcourt toute l’œuvre.
En effet, le diable peut être vu comme un personnage. Il
apparait dès le début du roman, quand il empêche Bernard de réviser son bac « La famille respectait sa
solitude ; le démon pas ». C’est encore le diable qui pousse
Vincent à jouer la somme d’argent qu’il réservait pour Laura après l’avoir mise
enceinte « De quel démon alors
avait-il écouté le conseil ? ». Ici, on peut assimiler le démon à
Passavant, car c’est lui qui conduit Vincent à jouer son argent, et c’est lui
qui l’emmène au salon de jeu. Aussi, le personnage de Lady Griffith, est une
figure du diable. En effet, elle influence profondément Vincent, et cela de
manière négative. C’est elle qui va le pousser à s’éloigner de Laura, jusqu’à
l’abandonner « le diable amusé le
regarde glisser sans bruit la petite clé dans la serrure » :
Vincent entre dans la maison de Lilian. De plus, ce sont les « démons de l’enfer » qui
habitent Olivier après avoir lu la lettre que Bernard lui écrit de Saas-Fée. En
effet, celui-ci est jaloux que Bernard et Edouard soient ensemble, et surtout
qu’ils dorment dans la même chambre. Olivier amoureux d’Edouard, est animé par le
démon de la jalousie. C’est aussi le diable qui « souffle » à Edouard l’idée de mettre le petit Boris
dans la pension Vedel-Azaïs, ce lieu qui va entrainer sa perte et dans lequel
il mourra. De plus, Gide dit dans le Journal des Faux-Monnayeurs que « Vincent se laisse lentement pénétrer
par l’esprit diabolique » (p70 ; Deuxième cahier). En effet, dans
la lettre d’Alexandre Vedel à son frère Armand, celui-ci dit avoir trouver
Vincent et qu’il « se croit le
diable lui-même » après avoir tué Lilian. A partir de ces analyses, on
comprend que le diable est celui qui pousse les personnages au vice, tel que
l’amour, l’argent, la jalousie, le crime etc. De ce fait, les personnages ne
sont plus responsables de leurs fautes.
Ensuite, le
personnage du diable est un moyen pour André Gide de faire une réflexion sur le
Mal. En effet, la réflexion sur le diable est à la base du roman comme on
l’apprend dans l’appendice du Journal de Faux-Monnayeurs intitulé « L’identification au démon ».
Il y dit « Tandis que l’on ne peut
servir Dieu qu’en croyant à lui, le diable lui, n’a pas besoin qu’on croie en
lui pour le servir. Au contraire, on ne le sert jamais si bien qu’en
l’ignorant ». Comme on le voit, en lisant le Journal des
Faux-Monnayeurs Gide pose le diable comme une figure essentielle de son livre « J’en voudrais un (le diable) qui
circulerait incognito à travers tout le livre et dont la réalité s’affirmerait
d’autant plus qu’on croirait moins en lui. C’est là le propre du diable dont le
motif d’introduction est « Pourquoi me craindrait-tu ? Tu sais bien
que je n’existe pas » ». Cette idée est illustrée par le personnage
de Vincent « La culture positive de
Vincent le retenait de croire à surnaturel ; ce qui donnait au démon de
grands avantages. ». Le personnage de La Pérouse quant à lui, pense
que le diable et Dieu sont les mêmes personnes « Le diable et le Bon Dieu ne font qu’un » comme il le
dit lui-même. On a l’impression que « Dieu
est mort » comme le disait Nietzche. Les personnages sont perdus, ils
ne savent plus où aller, ils n’ont plus aucunes valeurs morales et c’est pour
cela que c’est plus facile pour le diable de les influencer.
Enfin, même si
le diable traverse le roman comme un personnage, on se rend compte que le mal
est intérieur. En effet, le diable est cette force qui nous pousse à agir sans
que l’on se rende compte de nos motivations profonde. On comprend donc que le
diable est en quelque sorte notre inconscient. En effet, le comportement
d’Edouard illustre cette définition. Derrière ses bonnes intentions qui sont
d’aider Laura, ainsi que de ramener à La Pérouse son petit-fils, se cachent
peut-être des motifs moins bons qu’il n’y parait. « Derrière les plus beaux motifs, souvent se cachent un diable
habile » comme le dit le narrateur. Aussi, Edouard raconte dans
son Journal, le suicide du jeune Boris d’une manière totalement détaché. Il
donne une image totalement déshumanisée de lui-même car le suicide de Boris ne
l’émeut pas alors que celui-ci semblait bienveillant et protecteur avec Boris à
Saas-Fée. Comme l’a dit Laura « Son
être se défait et se refait sans cesse (…) C’est Protée ». Peut-on
comprendre qu’Edouard serait à la fois le Bien et le Mal, l’ange et le
diable ? C’est un personnage ambiguë et difficile à comprendre dans son
attitude.
Enfin, on peut se
demander quelle est l’intérêt pour André Gide de mettre dans son œuvre la
figure du diable et de l’ange.
En effet, l’ange et le diable permettent une
réflexion sur la morale, la nature humaine ainsi que le Bien et le Mal. Tout
d’abord, la présence du démon et de l’ange est une référence directe à la
religion. En effet, en introduisant ces deux figures dans son œuvre, André Gide
appelle à une réflexion sur la religion ainsi que ses bien-fondés. La religion
nous impose des règles strictes à suivre, ainsi qu’un comportement moral. Elle
nous dit de toujours aider son prochain, de faire passer l’intérêt générale au
lieu de l’intérêt personnelle. Elle nous impose des valeurs. Or ce sont c’est
en suivant ses valeurs sans les comprendre, en suivant le troupeau que l’on court
à notre perte. C’est ce que Gide montre dans son œuvre. Les personnages sont
tellement dans la conduite morale, dans le paraitre, et l’hypocrisie qu’il est
facile pour le diable de s’infiltrer et de les influencer. C’est ce que Gide
dénonce dans son roman avec le diable qui domine les personnages.
De plus, comme nous l’avons vue, certains
personnages sont la figure même du diable tel que Passavant et Lilian. Ceci en
dit long sur la nature de l’homme. On comprend que nous sommes par nature des
êtres mauvais, et que ce n’est pas la religion, la morale qui va nous sauver de
notre condition. Or, c’est pour cela que l’on a la présence de l’ange. Il est
celui qui éclaire les personnages, et les mène sur le droit chemin comme c’est
le cas pour Bernard. Enfin, le diable et l’ange incarne le Mal et le Bien, cette
lutte intérieure qui s’opère en chaque homme
Pour
conclure, on peut dire que le thème de l’ange et du diable est très récurrent
dans l’œuvre, en particulier celui du diable. En effet, le diable domine
l’œuvre ainsi que les personnages, et les deux figures apparaissent quand les
personnages sont dans des situations où ils ont un choix important à faire pour
leur vie. L’ange et le démon deviennent des doubles des personnages qu’ils habitent.
C'est un excellent travail, bravo ! Mais attention, il reste des fautes d'orthographe...
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