vendredi 17 mars 2017

Faire "le roman du roman"

Le roman d'Edouard et celui de Gide ont bien des points communs : "Il songe au roman qu'il prépare, qui ne doit ressembler à rien de ce qu'il a écrit jusqu'alors" page 75, comme ce premier "roman" de Gide. En quoi consiste ce renouvellement ?

Le journal d'Edouard vient de juxtaposer au récit. Il installe un personnage de romancier, préoccupé d'écrire un roman intitulé Les Faux-Monnayeurs, comme celui que lit le lecteur. Les réflexions théoriques du Journal d'Edouard, sur l'écriture et le littérature, trouvent leur écho pratique dans le roman de Gide. "Beaucoup réfléchi à ce que tu m'a dit X... Il ne connait rien de ma vie , mais je lui ai exposé longuement mon plan des Faux-Monnayeurs." page 92

Le mécanisme de cette mise en abîme est savant, tout en restant discret. Gide a mis six ans pour écrire son roman et il est naturel qu'il attende un effort de ses lecteurs : "Je n'écris que pour être relu." (Journal page 47)

En effet, en tant que lecteur on pourrait se demander si le personnage d'Edouard est un double de Gide ? Si Gide a valorisé le personnage d'Edouard, il ne l'a pas fait pour l'écrivain Edouard. Il le montre aux prises avec les difficultés de l'écriture, les mêmes qu'il rapporte à son propos dans le Journal.
Est-ce par manque de confiance dans sa capacité à écrire son "premier roman" que Gide attribue à son alter ego une telle impuissance ? En fait, le personnage de l'écrivain ainsi mis en abyme permet à Gide d'exposer ses réflexions sur l'écriture, ses recherches formelles, ses interrogations, ses doutes , tout en mettant en application, dans l'oeuvre qui se développe en parallèle, les idées exposées. Le lecteur a simultanément la réflection théorique et la pratique sous les yeux.

Tant dans les Faux Monnayeurs que dans le Journal, Gide insiste sur la difficulté d'écrire ce roman, sur sa lenteur, ses découragements, pour "projeter au-dehors une création intérieure" sans en connaitre l'aboutissement , car c'est une oeuvre nouvelle , libérée des conventions habituelles : " Et durant des jours et des jours, on de distingue rien, et il semble que l'effort reste vain; l'important, c'est de ne pas renoncer."

"Quels problèmes inquièteront demain ceux qui viennent ? C'est pour eux que je veux écrire." page 97. On peut penser que l'objectif énoncé ici par Edouard se confond avec celui de Gide.

Il ne veut pas de plan préétabli, ni de déroulement linéaire ( Journal page 83).
Il revient à plusieurs reprises dans le Journal sur le processus aléatoire de création des personnages, pour insister sur leur "indépendance" à l'égard de l'auteur : "ils se sont imposés à moi, quoi que j'en aie. Rien de miraculeux là-dedans. Je m'explique assez bien la formation d'un personnage imaginaire, et de quel rebut de soi-même il est fait." (Journal page 86)


Blanche MINON

1 commentaire:

  1. Des remarques intéressantes, mais vous ne développez pas suffisamment vos parties. On ne voit passez clairement la progression du raisonnement et sa structure. Appuyez-vous sur des exemples plus précis dans le roman. Poursuivez vos efforts !

    RépondreSupprimer