mercredi 21 septembre 2016

Le regard chez Pasolini

Dans l'adaptation filmique de Oedipe Roi, Pasolini porte une attention toute particulière au regard, qui est au centre de l'oeuvre. On le retrouve sous différents aspects, il n'est donc pas seulement relié aux yeux. Dans le film, le plan le plus utilisé est le gros plan, ou très gros plan sur le visage et les yeux du personnage concerné, dans le but de permettre au spectateur l'accès aux sentiments de celui-ci. On retrouve par exemple l'amour maternelle de Jocaste, dans la première partie du film, lorsqu'elle donne le sein à Oedipe dans le champ. Nous nous retrouvons en tête à tête avec elle, qui regarde intensément la caméra. Certains regards nous permettent également de reconnaitre le mythe : lors du "duel" de regard entre Laïos et le bébé Oedipe dans son berceau, il y a premièrement la haine du père envers son enfant qui lui volera sa place, mais également un clin d'oeil à l'énucléation d'Oedipe, lorsque l'enfant se cache les yeux de la main, refusant d'affronter la vérité en face, comme s'il avait entendu les pensées de son père. Dans la deuxième partie du film, Oedipe se cache les yeux et tourne sur lui même afin d'être voué au hasard, mais ceci le mène à son destin et il arrive à Thèbes, après avoir tué son père. Sa rencontre avec Jocaste, après le parricide, est intense : dans l'échange de regard se cache un désir profond. Néanmoins, le regard dans le film (et la pièce également), n'est pas seulement lié à la vue, mais il a aussi un aspect spirituel, puisque nous pouvons remarquer que les plus sage (notamment Tirésias ou la Pythie), ne voient pas, et pourtant sont capable de lire le destin. L'absence de la vue révèle donc un sixième sens qui remplace le perdu. A la fin : lorsqu'Oedipe se crève les yeux après avoir vu le cadavre pendu de sa femme/mère, il le fait dans le seul but de ne plus voir la lumière du jour et les atrocités que sa naissance même a pu causer. Ce n'est que après avoir découvert toute la vérité qu'il décide de ne plus voir. C'est ici un rappel aux sages, qui possèdent un savoir quasi-divin, cet aveuglement est donc peut-être lié à la vérité.
En sommes, Pasolini utilise dans son film le regard afin d'exprimer les sentiments des personnages, mais également dans le but de communiquer avec le spectateur et d'instaurer une autre forme de communication propre à son "cinéma de poésie". Nous retrouvons également le regard divin des aveugles devenus sages.

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