mercredi 21 septembre 2016

La parole: cinéma de poésie, fidélité, invetion..

    Dans son Oedipe Roi, Pier Paolo Pasolini fait le choix stylistique de privilégier les images à la parole. Il cherche en effet à créer un «cinéma de poésie» qui dan son film rappelle le cinéma muet par le recours à peu de texte et la technique. Il ne faut pas pour autant négliger la place de la parole dans le film de Pasolini, c’est pourquoi nous nous demanderons quelles sont les différentes formes et fonctions de la parole.

    Dans le film de Pier Paolo Pasolini la parole apparaît sous différentes formes. Elle est soit écrite dans des intertitres soit orale et enregistrée dans des bandes sons en studio. La parole apparaît confuse dans le paysage sonore par des éclats de rire, des conversations de fonds etc. comme dans la scène des jeux des femmes dans le pré (environ 02:28) dans l’Italie des années 20-30 dans le prologue.
    Elle est aussi destinée à des personnages précis même si elle est dissociée de l’image et ne semble pas correspondre à ce que disent les acteurs et ne paraît pas sortir de leur bouche. Il faut savoir que le cinéma italien des années 60 collaborait avec d’autres pays européens et comptait parmi ses acteurs des acteurs non italophone. L’enregistrement de la parole en studio avait une fonction pratique (Julien Beck qui joue le rôle de Tiresias est anglophone) mais aussi stylistique. Pier Paolo Pasolini justifie dans un entretien avec Jean Duflot son choix par son «refus du naturel».
    Dans un film où l’image est privilégiée au texte l’usage de cartons ou intertitres aide à introduire du texte. Mais ces derniers ont une fonction bien précise.

    En effet les intertitres servent exclusivement à nous projeter, nous spectateurs, dans les pensées des personnages. Quand Oedipe rencontre Tirésias qui joue de la flûte alors que le malheur envahi les Thébains il l’envie, mais honoré de sa présence se tait et s’agenouille. Les intertitres nous révèlent son envie, en effet il pense: « Tes concitoyens luttent et pleurent, luttant pour la sauvegarde. Et toi, aveugle et solitaire, tu chantes. J’aimerais être à ta place! Ton chant te place au-delà du destin». De même, les intertitres montrent l’espoir que le roi Oedipe repose sur Créon alors qu’il revient de Delphes: «Dieu, si seulement il nous apportait le salut» (57:17). 
    Outre les petites exclamations tel que «Allons-y! Arrête!» qui parsèment le film et les murmures confus qui participent comme nous l’avons dit ci-dessus à enrichir le paysage sonore, le texte de Pier Paolo Pasolini nous donne l’impression, du moins avant l’intervention du réalisateur en tant que supplicateur, que le texte est épuré et se limite au stricte minimum en fournissant simplement des indices sur la cadre, sur les personnages et l’intrigue de l’histoire afin de favoriser la compréhension du spectateur. L’échange entre le berger et Polybe semble avoir lieu pour que le spectateur comprenne ou se rappelle que le mont où a été trouvé Oedipe est le mont Cithéron, que ce dernier sera surnommé «Fils de la Fortune» en rappel du texte de Sophocle et que l’homme à la couronne est le roi de Corinthe.
    Mais en plus d’aide à la compréhension du texte, la parole sert aussi à introduire les passages importants du texte de Sophocle. Le réalisateur fait une reprise quasi textuelle de l’oeuvre antique, bien qu’il la raccourcisse, après les séquences sur les ravages de la peste (53:11). Pier Paolo Pasolini tient à honorer personnellement Sophocle. Il prononce donc les premières paroles extraites du texte.

    Alors que l’image dans le film est le fruit de l’imagination de Pier Paolo Pasolini en représentant un monde fait d’amalgames et de mélanges, le texte quant à lui se rapproche du mythe tel que Sophocle l’a écrit. La parole se met au service des deux mondes en participant à créer une ambiance voulue par le réalisateur, en transmettant des informations aidant à la compréhension du film, en donnant aux spectateurs le privilège de pénétrer dans les pensées cachées des personnages mais aussi en reprenant l’hypotexte.

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