Débats littéraires des TL- Lycée Jean Mermoz de Dakar, 2016-2017
jeudi 6 octobre 2016
Que ce soit dans le film ou dans la piéce de Sophocle, les personnages de la tragédie sont dans une recherche perpétuelle de leur présent comme de leur avenir grâce aux oracles, ils cherchent à percer le mystère du temps. Afin de comprendre leur présent, ils chercheront donc a percer le passé et le futur. Œdipe consulte la Pythie, comme Créon, et demande au devin Tirésias conseil. Dans le film de Pasolini, les paroles du Sphinx se révèlent aussi prophétiques. Toute l’action se construit à partir de ces prédictions qui déterminent les décisions humaines. Suite aux paroles de la Pythie, Œdipe condamne publiquement le criminel. De même, c’est après un « oracle qui arriva jadis » que Laïos abandonne son enfant à la mort dans les montagnes.
Mais cette parole qui prédit l’avenir obscurcit le présent car elle est source d’interprétations et partant de malentendus et de brouilles qui égarent les personnages. Elle devient alors le puissant agent de l’ironie tragique.
C’est Créon qui dès le prologue inscrit cette ironie au cœur de la pièce.
Il pense apporter une « réponse heureuse » et ajoute même la phrase suivante qui résonne comme une terrible antiphrase pour le spectateur : « Crois-moi, les faits les plus fâcheux, lorsqu’ils prennent la bonne route, peuvent tourner tous au bonheur ».
Dans la tragédie comme dans le film, les personnages ne semblent pas maîtres du temps qui passe puisqu’ils sont irrésistiblement ramenés à leur point de départ. Le temps est le véritable acteur tragique, il dépossède les personnages de toute liberté. Quoi que ces derniers entreprennent pour changer le présent, tout a déjà eu lieu.
Rétablir l’ordre du temps, c’est donc aussi pour Œdipe dans un même mouvement perdre sa place dans ce dernier. A la fois fils et mari de sa mère, il brouille l’ordre temporel qui finit par le broyer. Au cœur du temps se loge la fatalité, ce qui est inscrit dès la naissance d’Œdipe. Le Chœur souligne dans le texte cette action : « Le temps, qui voit tout, malgré toi l’a découvert". La pièce et le film proposent alors le même dénouement tragique : le suicide de Jocaste et d’Œdipe. Pasolini choisit de montrer en cachant tout, le suicide de Jocaste est traité de manière elliptique, on découvre son corps sans vie en même temps qu’Œdipe et ce dernier se crève les yeux mais dos tourné aux spectateurs. La « machine infernale » est alors arrivée à son terme, les protagonistes sont éliminés. Dans le film, Œdipe sort véritablement du temps pour devenir dans l’épilogue une figure intemporelle du vagabond.
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