Généralement, dans les
tragédies grecs, l’espace ainsi que sa représentation jouent un rôle majeur. En
effet, dans Œdipe Roi, l’espace et les lieux font partie intégrante de la
fatalité dont Œdipe qui va toucher Œdipe. On note différents types d’espaces
dans Œdipe Roi, telles que l’espace scénique, l’espace géographique, l’espace
politique, et religieux. De plus, ces lieux sont tous chargés d’une série de
symboles à déchiffrer. Ici, il s’agira de voir : Comment l'espace théâtral est-il exploité
dans les deux œuvres, en quoi apparaît-il de manière confuse, révélant toute
une série de symboles qu'il faut déchiffrer ? En
premier lieu nous verrons comment l’espace théâtrale est exploité, et ensuite
la symbolique de ces espaces.
Pour commencer, l’espace théâtrale est exploité par
Pasolini et par Sophocle.
En effet, l’espace théâtral est l’espace dans lequel les comédiens
jouent et évoluent. Chez Sophocle le chœur à un espace spécialement
réservé : l’orchestra dans lequel il
chante danse et intervient entre chaque épisode par des intermède de chorale. Les
personnages de la tragédie sont inscrits dans des espaces réels de l’époque
antique de Sophocle. En effet, les personnages évoluent dans divers espaces. Les
principaux lieux de la pièce sont tout d’abord Corinthe, lieu de l’enfance et de
l’adolescence d’Œdipe recueilli par les rois Polybe et Mérope. C’est aussi de Corinthe d’où vient
le messager, qui révèle à Jocaste la vérité sur Œdipe et précipite ainsi le
dénouement de l’histoire. Ensuite, nous avons Delphes où
se trouve l’oracle : la Pythie, qui annoncera à Œdipe son destin. C’est aussi de Delphes que revenait
Laïos avant de rencontrer Œdipe, c’est de là que venait Créon au début de la
pièce afin de demander à la Pythie la solution à la peste qui dévaste la ville
de Thèbes. Par conséquent, Delphes est le lieu de la vérité. Après,
nous avons Thèbes, l’espace principal où se déroule toute la pièce à cause de
la règle des 3 unités de la tragédie grec : l’unité de lieu. Thèbes est la
ville de tous les malheurs car la peste la ravage, tel que le dit Chœur «
Et la cité se meurt en ces morts sans nombre ». Aussi, le palais de
Thèbes, où résident Œdipe et Jocaste, est le lieu principal de la tragédie. Chez
Sophocle, on ne voit jamais ce palais car les personnages sont toujours au
seuil de celui-ci comme nous l’indique les didascalies « Œdipe parait
sur son seuil ». Tout se passe à l’extérieur du palais. C’est aussi le
lieu où convergent tous les mouvements : l’arrivée de Créon de chez
l’oracle, celle de Tirésias, du messager corinthien, du vieux berger etc.
Encore,
chez Pasolini l’espace est exploité différemment. En effet, les personnages
évoluent dans le paysage désertique chaud du Maroc, au contraire de la Grèce
Antique de Sophocle. Le cinéaste nous dépayse complétement en changeant d’espace
géographique. Le fait d’avoir délocalisé la pièce dans cet espace désertique au
soleil brûlant, montre une influence du paysage sur les actes des personnages. Par
exemple quand Œdipe entend la révélation de la Pythie, le soleil lui tape dans
les yeux et juste après en repartant celui-ci à l’air totalement perdu,
désorienté, triste et remplit de rage. C’est cela qui fera qu’il tuera son père
juste après. De plus, tous les lieux évoqués chez Sophocle et non montrés tel
que Corinthe ou Delphes sont représentés chez Pasolini. Ces espaces
géographiques sont des métaphores de la tragédie qui guette les personnages. Par
contre, Pasolini désacralise certains lieux qui ont une importance capitale
chez Sophocle. En effet, le
chœur chez Pasolini n’existe plus. Il est remplacé par des chants de folklores
africains, roumains ou de simples groupes de personnes. De ce fait, l’orchestra
est supprimé, et par la même, toute la représentation divine de ce lieu. On a
aussi la désacralisation de l’oracle de Delphes : la pythie ne porte plus
qu’un masque double qui ne laisse rien voir d’elle, seulement sa bouche qu’elle
remplit de riz pour se vider de ses paroles prophétiques et éclater d’un rire
accablant.
Ensuite, on peut dire que l’espace apparait de manière
confuse.
En effet, chez Sophocle,
plusieurs lieux divers sont mentionnés sans qu’on ne les voit « Corinthe, Delphes ». Cela
peut vite entrainer le lecteur à se perdre dans la chronologie de l’histoire,
et créer une confusion dans son esprit. Il ne sait plus où s’est passé tel
événement, ni peut-être même dans quelle ville nous sommes à certains moments
de la pièce. Pourtant, la ville de Thèbes, principale lieu de la pièce est présentée comme une ville protectrice comme nous l'indique le choeur quand il s'adresse à Oedipe « Ton foyer, tu régnais sur la puissance de Thèbes ». De ce fait, malgré la confusion des lieux, il est possible de savoir grace à des indication, dans quel espace la pièce se déroule.
En ce qui concerne Pasolini, le film se divise en 3 parties différentes. En effet, le fait de passer d’une partie moderne à une partie mythique pour revenir sur une partie moderne, à première vue crée une confusion dans l’esprit du spectateur car il ne comprend pas ce choix de l’auteur. Il perd tous ses repères. Or, on peut nuancer en disant que le personage d'Angelo, qui accompagne Oedipe dans son errance, est le fil conducteur qui indique la continuité entre le mythe et le monde moderne. De plus, Pasolini a décidé de tourner son film dans un décor atypique, qui au premier abord semble n’avoir aucun rapport avec le mythe. De la Grèce antique de Sophocle on passe au Maroc dans un temps indéterminé. Cependant les lieux ont tous une symbolique et c’est d’ailleurs pour cela que Pasolini a choisi un décor si particulier. Le cinéaste place ses spectateurs dans une dimension onirique et hors du temps pour justement montrer que le mythe est intemporel, n’a aucune dimension spatio-temporelle et qu’il peut donc se jouer n’importe où et n’importe quand. C’est ce qui se cache derrière la confusion des lieux : la symbolique de ceux-ci.
En ce qui concerne Pasolini, le film se divise en 3 parties différentes. En effet, le fait de passer d’une partie moderne à une partie mythique pour revenir sur une partie moderne, à première vue crée une confusion dans l’esprit du spectateur car il ne comprend pas ce choix de l’auteur. Il perd tous ses repères. Or, on peut nuancer en disant que le personage d'Angelo, qui accompagne Oedipe dans son errance, est le fil conducteur qui indique la continuité entre le mythe et le monde moderne. De plus, Pasolini a décidé de tourner son film dans un décor atypique, qui au premier abord semble n’avoir aucun rapport avec le mythe. De la Grèce antique de Sophocle on passe au Maroc dans un temps indéterminé. Cependant les lieux ont tous une symbolique et c’est d’ailleurs pour cela que Pasolini a choisi un décor si particulier. Le cinéaste place ses spectateurs dans une dimension onirique et hors du temps pour justement montrer que le mythe est intemporel, n’a aucune dimension spatio-temporelle et qu’il peut donc se jouer n’importe où et n’importe quand. C’est ce qui se cache derrière la confusion des lieux : la symbolique de ceux-ci.
Enfin, les espaces dans Œdipe Roi ont une
symbolique particulière
En
effet, nous avons tout d’abord les lieux tragiques. Le mont Cithéron chez
Sophocle, qui est représenté par une montagne de sable chez Pasolini. Ce lieu
important de la tragédie est celui où Œdipe enfant aurait dû mourir mais fut
sauvé. Chez Pasolini la scène où Œdipe est abandonné sur le Cithéron par un
serviteur de Laïos est une scène quasi-sauvage. Œdipe poings et pieds liés, est
accroché à un bâton, comme un animal qu’on s’apprête à abattre. Le Cithéron
symbolise la perte d’Œdipe car le messager corinthien, en sauvant Œdipe sur ce
mont l’a amené à sa perte. De plus, « le croisement de deux
chemins », ou plus précisément le « carrefour de
Phocide : le carrefour où se rejoigne les deux chemins qui viennent de
Delphes et de Daulia » (Jocaste à Œdipe ; Sophocle) est l’endroit
où s’est déroulé le meurtre de Laïos par Œdipe. Ce carrefour a une valeur
symbolique particulière. Le meurtre qui se déroule au croisement de deux
routes, peut être interprété comme le passage dans le monde adulte pour Œdipe
qui tue son père, ou comme le sexe féminin de Jocaste : cette route
pourrait être le chemin qui mène à Jocaste et Œdipe doit pour cela tuer Laïos
pour arriver à elle. Le carrefour de Phocide est l’endroit où se joue le destin
d’Œdipe, car en tuant son père il réalise une partie de la prophétie. Thèbes,
ainsi que le palais son aussi des lieux tragiques. Comme je l’ai dit
précédemment, chez Sophocle la pièce se déroule au seuil du palais et tout se
passe à l’extérieur. C’est comme si le palais était un espacé souillé, souillé
par l’inceste. En effet comme nous le montre Pasolini par 4 scènes de passion,
l’intérieur du palais est habité par l’inceste qui s’établit entre Œdipe et
Jocaste. De plus, le palais est aussi le lieu ou Jocaste se donne la mort et où
Œdipe se crève les yeux. Là ou Sophocle à préférer l’hypotypose pour décrire ce
« spectacle atroce » (Messager ; Sophocle), Pasolini
n’hésite pas à nous montrer les actes des personnages. Par conséquent
les lieux tragiques sont tous associés aux crimes.
Ensuite, l’espace scénique est
aussi un lieu politique. Chez Sophocle, la pièce se déroule dans un décor
unique, représentant une place publique face à un palais royal. De même que le chœur représente la Cité, le Palais
représente aussi le cœur politique de la ville. Or le « fléau » qui
frappe Thèbes vient précisément du palais. Aussi, le seuil
du palais est un lieu hautement symbolique car il est le lieu de passage entre l’intérieur
et l’extérieur, le privé et le public, Œdipe et son peuple. C’est justement sur
ce seuil que se déroulera la scène d’agôn entre Œdipe et Tirésias, dispute qui
sera le tournant de l’histoire, car elle créera des doutes sérieux dans
l’esprit d’Œdipe sur son identité. C’est aussi l’endroit dans le film ou Œdipe
se retrouvera les yeux crevés devant les habitants de Thèbes. Tout se passe sur cette place
centrale qui est le lieu de la révélation. Chez
Sophocle, toute information venant de l’intérieur du palais, est relayé par les
messagers. Chez Pasolini,
l’intérieur et les dessous du palais nous sont montrés, ainsi que tout ce qui
se passe à l’intérieur.
Enfin
dans son adaptation cinématographique d’Œdipe Roi, le cinéaste Pier Paulo Pasolini rajoute d’autres
lieux à l’histoire, lieux qui ont une symbolique particulièrement forte pour
lui. Tout d’abord la ville de Bologne en Italie dans laquelle Œdipe et Angelo
marchent dans l’Epilogue, fait référence à la vie intellectuelle de Pasolini. Ensuite
le village du Prologue est celui où Pasolini a grandi, c’est le village de son
enfance. Ensuite, le pré est aussi un espace symbolique et sacré. C’est un endroit parfait, totalement idéalisé. Il est
sacré et symbolique dans le sens ou c’est un endroit qui est cher au cinéaste
car il représente le pré de son enfance où celui-ci passait la plupart de son
temps avec sa mère dont il était très proche durant toute sa vie. De ce fait, la quête de soi prend
aussi une grande symbolique dans Œdipe Roi. En effet, chez Pasolini la première
image du film est une maison. Au travers des fenêtres de cette maison, on
assiste à la naissance d’Œdipe en position de voyeurisme. La maison est
symbolique car elle est le point de départ de la tragédie, le commencement du mythe.
Tous ces espaces ont une dimension autobiographique car ils
représentent les différentes étapes importantes de la vie du cinéaste et révèle
toute une symbolique à déchiffrer.
Pour conclure, on peut dire que Pasolini et Sophocle
représentent et exploitent l’espace de manière différente. Tous les lieux ont
une valeur différente, soit tragique, politique, ou religieuse. Ils ont par la
même une symbolique qui est propre à chacun.
Coumba
Tobe.
Une analyse beaucoup plus pertinente que celle postée précédemment. Vous avez bien analysé la confusion des lieux dans les deux oeuvres. Une bonne transition vers la symbolique des lieux. C'est beaucoup mieux !
RépondreSupprimerAttention encore à la maîtrise de la langue... Poursuivez ainsi !