samedi 14 janvier 2017

Etudions Oedipe roi... au moins l'espace d'une tragédie !

CODE COULEUR : PASOLINI / SOPHOCLE

En grèce antique, d’où le théâtre est originaire, les acteurs ont pour habitude de jouer les pièces sur le proskénion, l’avant scène (devant la Skênê). C’est l’espace théâtral délimité où la pièce de théâtre se déroule, entouré de gradins qui accueillent tous spectateurs. 
Dans Oedipe roi de Sophocle ainsi que sa ré-interprétation du réalisateur P.P. Pasolini, cette idée d’espace théâtral est également présente. Nous allons donc étudier à travers cette analyse des deux oeuvres comment l'espace théâtral est-il exploité, et en quoi apparaît-il de manière confuse, révélant toute une série de symboles qu'il faut déchiffrer. 


C’est tout d’abord à un un espace théâtral qui apparait comme restreint auquel nous avons affaire dans ces deux oeuvres. 
En effet, dans le film et livre, l’histoire peut être qualifiée de “restreinte” car elle a lieu dans un endroit précis qui sera le coeur de toute la tragédie, même si dans le film par exemple la ville de Corinthe est présente après la partie du prologue de Pasolini. L’histoire est donc, des le début centrée sur une ville : Thèbes, qui sera le centre de l’attention tout le long durant. Le prologue du film de Pasolini est également centré sur un petit village qui n’est sans rappeler le village d’Italie dont est originaire Pasolini. Cet espace, qui est restreint est également oppressant : l’histoire dans son ensemble est centrée sur Thèbes comme nous l’avons expliqué. Seulement, cette petite ville, loin d’être calme et de tout repos concentre toute une exacerbation de violence avec par exemple Oedipe qui se montre très violent dans le film (Lorsqu’il s’en prend à un enfant l’ayant traité d’enfant de la fortune au début du film, ou quand il s’attaque à Tiresias une fois roi de Thèbes), de maladie (De longs travellings sont consacrés dans le film à la peste et dans livre l’histoire commence avec cette maladie qui frappe la ville), ainsi que de tragédie (puisse qu’Oedipe habite cette ville, elle est contaminée par le mal dont est porteur ce dernier (il faudra se débarrasser de la “souillure qui nourrit ce pays”, qui “contamine cette ville” comme le dit l’oracle à Créon). La caméra également dans le film a une manière de filmer qui recentre la vision du spectateur : lorsqu’oedipe nait et que l’accouchement est filmé par la fenêtre, lorsqu’Oedipe et Jocaste ont des scènes intimes également, la caméra est recentrée sur eux, ou encore lorsqu’Oedipe se crève les yeux la caméra est fixe sur lui (dans la pièce de théâtre la violence n’est pas autant représentée, à cause de la règle de bienséance mise en place à l’époque). Nous pourrions également rajouter que Sophocle avait cette volonté de créer un microcosme, un petit monde restreint, et cette volonté peut se traduire par le fait que la pièce de ce dernier commence lorsqu’Oedipe est déjà roi de Thèbes, et s’achève lorsqu’il s’est crevé les yeux. Encore une fois l’histoire est donc re centrée sur Thèbes et particulièrement sur Oedipe. 
Il y a donc dans les deux oeuvres, une certaine volonté de re centrer l’histoire pour accentuer le regard porté sur Oedipe et la tragédie qui gravite à ses côtés, et l’espace est pour ce faisant assez réduit. Cette manière de recentrer la tragédie autour d’Oedipe et de Thèbes n’est pas sans rappeler la disposition des théâtres de Grèce antique, avec les gradins disposés en arc de cercle en face du proskenion, où les acteurs jouaient. Cet espace restreint est aux regards de tous, comme Oedipe est exposé aux regards des spectateurs et lecteurs. 
Seulement, cette espace n’est pas seulement limité, il est à la fois également immense et infini.


Dans un second temps nous pourrions également dire que cet espace est à la fois immense, démesuré.
En effet, il peut être considéré comme immense car dans film, la majorités des paysages sont des déserts immenses, avant qu’Oedipe n’arrive à la ville de Thèbes : ce sont des endroits arides, secs et le climat très peu accueillante, ce qui installe l’atmosphère “aride” dont est empreinte l’histoire d’Oedipe et qui illustrent le vide dont est composé la vie d’Oedipe : jamais ce dernier ne trouvera sa place sur la scène de sa vie. Cet espace théâtral est également démesuré car il n’est pas il n’est pas définit par ce qui se passe “sur scène” (à entendre aux regards de tous, au centre de l’attention). Tout comme les théâtres de grèce antique, il présente une organisation spéciale : il y a le proskenion, qui comme nous l’avons dit peut être compris ici comme le “microcosme” que le spectateur ainsi que le lecteur regardent, mais il y a aussi le parados (ici cela peut être interprété comme l’endroit où les acteurs de cette tragédie commettent le blasphème (inceste, paricide) car en effet à l’époque la règle de bienséance est en place (dans l’oeuvre de Sophocle la bienséance est également en place puisque ces actes sont rapportés par le messager) . Cet espace peut également être considéré comme d’une immense tendue puisque le divin aussi est également de partie dans Oedipe roi. L’espace ne se limite donc pas seulement à la scène, centre de l’attention de tous : les dieux sont également présents, observent la scène et lancent la malédiction sur la famille labdacide, qui conduira au tragique suicide de Jocaste après avoir appris la vérité, et à la mutilation cruelle et violente d’Oedipe sur lui même (ces deux auto mutilations qui sont d’ailleurs filmées chez Pasolini de façon à faire ressortir toute la violence de la tragédie). L’espace est donc ici rendu immense par la violence de la malédiction, son étendue (qui contrairement à ce que l’on croit, et ce que l‘on peut “voir” ou “lire” est immense). De plus, ici le mouvement accentue cette étendue, cet espace : le va et vient d’Oedipe dans le film de Pasolini par exemple, avant qu’il arrive à Thèbes, ou encore la violence dans les actes des personnages chez Sophocle (lorsque Jocaste est sur le point de se pendre).
L’espace peut donc être considéré dans les deux oeuvres comme limité mais immense à la fois. Le fait que l’espace puisse être qualifié des deux adjectifs à la fois, ce qui est une totale oxymore, crée l’ambiguïté chez le spectateur/lecteur, qui peut cependant y voir une suite de symboles.


Nous pourrions donc dire dans un troisième temps de reflexion que cet espace, à la fois traité comme restreint, limité et immense, est d’une certaine ambiguïté, mais qu’il constitue toute une série de symboles à déchiffrer.
En effet, tout d’abord, comme nous l’avons expliqué précédemment cet espace que nous avons qualifié en premier lieu de restreint est un clin d’oeil évident à la disposition des théâtres de grèce antique de l’époque de Sophocle : le proskenion tout comme cet espace raconté dans Oedipe roi était de taille raisonnable, n’était pas très grand, comparé à la taille des gradins réservés aux spectateurs. Cet espace comme nous l’avons également dit précédemment est quelque peu oppressant, tout comme l’effet que la pièce a sur son lecteur/spectateur : l’histoire racontée peut être pour de dernier très dérangeante (avec le parricide et l’inceste qui sont par semple tous deux filmés chez Pasolini). Cette pièce est une totale catahartie : elle a pour effet de purger de tous leurs vices de les spectateurs/lecteurs, et quoi de mieux pour cela que de recentrer le regard du spectateur sur un endroit précis qui concentre un mélange de violence, de malheur, de tragédie ? Dans l’oeuvre de Sophocle, qui est placé sous le signe de bienséance, ce sont les paroles et dispute qui sont empreintes de cette violence (lorsque Jocaste se pend, lorsqu’Oedipe se dispute avec Créon, Tiresias…)
Comme élément symbolique, nous avons également le fait que cet espace, qui parait à la fois restreint mais plus que tout immense fasse référence aux croyances de l’époque : cela représente l’immensité de l’espace divin, de son pouvoir sur les marionettes que sont en fait les acteurs (de plus, sur les scènes de l’antiquité, des autels étaient consacrés aux dieux). Puis nous pourrions dire que ambiguïté de l’espace est en fait une réflexion sur la vie en général, adressée aux spectateurs/lecteurs tout comme elle l’est à Oedipe, qui commet des crimes considérés atroces pour notre société : il y a toujours plus que ce que l’on croit voir, et il ne faut jamais se fier aux simples apparences. Un bonheur innocent (par exemple l’amour entre Jocaste et Oedipe) peut en réalité cacher toute une tragédie manipulée par les dieux. C’est donc une reflexion sur la malédiction d’Oedipe, et peut être même sur la culpabilité de ce dernier : et si la force invisible qui poussait Jocaste et Oedipe à s’unir ne venait pas d’eux mais des dieux tout simplement ? Mais sa culpabilité est encore une autre histoire… 



En conclusion, l’espace théâtral qui est, dans Oedipe roi restreint et infini à la fois, est à comprendre comme une suite de symboles à déchiffrer pour le lecteur ainsi que le spectateur. Cet espace est à mettre en relation évidente avec l’organisation de l’espace théâtral de grèce antique, contexte dans lequel est ancré l’oeuvre de Sophocle et qui est en partie retrouvé chez Pasolini, sous une autre forme moins concrète. 

1 commentaire:

  1. Des analyses fines et pertinentes. Attention toutefois à la maîtrise de la langue. Evitez les longues parenthèses qui alourdissent le propos. Rédigez vos exemples sans les insérer dans ces parenthèses, cela clarifiera votre propos. Poursuivez ainsi !

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