Si Les Faux-Monnayeurs était un
tableau, ce serait le Requiem de Steve Walker. Ce tableau représente trois
hommes assis dans une église. Tous trois sont liés par leurs bras. En effet, en
partant de la droite à la gauche, on voit que le premier homme a posé son bras
autour du second, et que le second a fait de même avec le troisième.
Tout d’abord, ces trois hommes
m’ont directement fait penser à Bernard Profitendieu, Olivier Molinier et
Edouard qui sont les trois personnages principaux du roman d’André Gide. Le
geste de la main sur le bras souligne une certaine ambiguïté : on ne sait
pas si c’est un geste de réconfort ou un geste intime entre les personnages.
Cela fait écho avec le thème de l’amitié confuse et ambigüe qui est au centre
des Faux Monnayeurs. En effet, l’amitié entre Bernard et Olivier
est ambiguë dès le premier chapitre du roman avec la scène dans le lit d’Olivier :
les deux jeunes hommes sont proches mais ils ne se passent rien entre eux.
Cependant le lecteur ne peut s’empêcher de croire qu’il va se passer quelque
chose jusqu’à la fin du chapitre. André Gide fait exprès de donner une
description de la scène qui laisse penser à
un prélude à une relation sexuelle pour troubler le lecteur et créer une
certaine confusion.
Ensuite, on pourrait noter un
autre point commun entre les deux œuvres : la religion. Dans le tableau de
Steve Walker, comme son titre l’indique « Requiem », met en scène les
trois hommes, réunis pour réciter une prière pour les morts. Cet aspect
religieux apparaît également dans l’œuvre d’André Gide, dans la famille des
Vedel-Azaïs. En effet, le père de famille est un prêtre qui dirige une pension
dans le but d’accueillir de jeunes enfants pour les éduquer. Cependant, la
pension Vedel-Azaïs est décrite par Edouard comme étant un lieu austère et
froid surmonté par l’excessive sincérité et dévotion du Père Azaïs.
De ce fait on pourrait
comprendre, grâce à ce tableau, qu’André Gide fait une critique de la religion
en remettant en cause ses tabous : il franchit ses limites et met en avant
le thème de l’homosexualité, thème primordial dans son œuvre. En effet, si on
revient à l’ambiguïté entre la posture des hommes dans le tableau et entre le
lieu de culte dans lequel ils sont mis en scène, on eut dire que cela témoigne
de la révolte des deux artistes contre les mœurs strictes de l’Eglise. De plus,
comme André Gide, Steve Walker est également homosexuelle. Cependant, aucune
certitude n’est donnée sur l’homosexualité des personnages dans le roman de
Gide.
Pour finir, on remarque sur l’œuvre de Steve Walker qu’un
des trois hommes se détache des deux autres et leur tourne légèrement le dos. Cela
rappelle la deuxième partie du roman de Gide, lorsqu’Edouard, Laura et Bernard
sont à Saas-Fée en Suisse, et que Bernard écrit une lettre à Olivier dans
laquelle il raconte son aventure. Or ce que Bernard ignore, c’est
que cette lettre va blesser Olivier et va le pousser à se rapprocher encore
plus de Passavant. L’homme qui s’éloigne légèrement des autres peut être
Olivier qui se sent rejeter à cause du rapprochement entre Bernard et Edouard
en vers qui il ressent une forte jalousie.
Ornella BUTARE.
Un écrit bien argumenté sur le thème de l'amitié ! Bravo !
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