samedi 8 avril 2017

Le vrai romancier les écoute, les regarde agir; puis comprend peu à peu qui ils sont...

Dans son roman Les Faux-Monnayeurs, et dans son Journal des Faux-Monnayeurs, André Gide choisit de déjouer toutes les règles littéraires de son temps et construit son roman sur la base de ses personnages. En effet, son histoire non-linéaire se dévoile petit à petit, par ses personnages, en évènements fracturés, et donne à chacun un rôle et une destinée. Ainsi, Gide joue, dans son roman, avec la profusion des personnages pour mettre en œuvre son histoire.
Par conséquent, qu’apporte cette profusion, et quelle justification André Gide en donne-t-il dans son journal ?

Tous les personnages du roman ne sont jamais décrits par rapport à leur apparence mais uniquement à travers leur caractère et leur psychologie. Ils sont souvent présentés dans un dialogue, où l’auteur commente les « tons » de leur voix : « Je sais comment ils pensent, comment ils parlent ; je distingue la plus subtile intonation de leur voix » dit Gide. En effet, lorsqu’il crée un personnage, Gide met plus en avant l’état d’âme de ce dernier plutôt que son apparence. C’est grâce à cet état d’âme que nous lecteurs, nous accédons au caractère du personnage. Ils évoluent tous dans le milieu social de la bourgeoisie et des professions libérales fondées sur l’art de la parole… Gide parvient à faire évoluer l’histoire sans intervenir de manière objective, mais fait vivre ses personnages grâce à des monologues, des lettres, ou bien des discussions. De plus, Gide note dans son Journal quelques indications sur comment il compte faire apparaître ses personnages : « Ne pas amener trop au premier plan - ou du moins pas trop vite - les personnages les plus importants, mais les reculer, au contraire, les faire attendre. Ne pas les décrire, mais faire en sorte de forcer le lecteur à les imaginer comme il sied ». C’est donc ainsi que l’on pourrait douter de quel personnage serait le principal. Bien évidemment, il s’agit de Bernard mais nous pouvons également nous poser la question si n’est-ce pas Edouard ou bien Olivier ? Mais nous disposons de très peu d’informations sur son physique, si ce n’est qu’il a les « yeux francs et le front clair ». Son père adoptif dit de lui qu’il a un côté rude et indompté́. Nous remarquons donc bien que ce soit à partir d’autres personnages que nous avons quelques bribes des caractéristiques du personnage principal.

D’autre part, il est important de souligner que c’est à travers les échanges entre les personnages que le roman se construit. Gide choisit de ne pas respecter la construction linéaire mais plutôt de créer des fractures tout au long du roman par des analepses et des prolepses, procédés stylistiques permettant de faire un retour dans le passé ou une anticipation dans le futur. Pour se faire, il utilise, comme nous l’avons évoqué précédemment, divers échanges pouvant parcourir le temps : des lettres, des conversations ou des monologues. De cette façon, Gide s’efface volontairement de l’histoire et laisse au lecteur toute l’autonomie de reconstruire lui-même l’histoire, comme s’il s’agissait d’une enquête dont laquelle il fallait reconstruire le puzzle. Ce sont donc uniquement les personnages qui participent au déroulement de l’histoire et non pas l’auteur. Gide n’apparaît que de temps en temps, soit à travers le personnage d’Edouard qui est sa mise en abîme, dans le roman ; soit par de brèves interventions, des commentaires plus précisément qu’il effectue sur le ton des personnages, ou d’autres détails du même style. Le lecteur, cherchera donc en vain, des précisions sur le physique ou autres caractéristiques des personnages, il lui sera fondamental d’élaborer lui-même ses propres recherches. Gide affirme dans son Journal qu’il a écrit son roman pour qu’il soit relu, mais aussi qu’il attend de ses lecteurs aucune passivité et les incite à participer au déroulement de l’histoire. Enfin, chaque personnage est important et joue un rôle dans l’histoire. Prenons l’exemple du petit Boris : incarnation symbolique de la pureté angélique, il est, avec Bronja, le seul à s’opposer à la tentation du diable et pourtant, il fait figure de martyr à la fin du roman. Ainsi, nous pouvons supposer qu’à la fin de l’histoire, le personnage de Boris représentait une sorte de leçon de morale face à cette atmosphère de fausseté, de mensonge, d’hypocrisie et de tentation – derrière laquelle se cachait le diable.


Pour conclure, nous pouvons dire que la profusion des personnages joue un rôle primordial dans le roman et le Journal d’André Gide puisque c’est autour de ces personnages que se monte l’histoire. En effet, cela apporte une touche d’originalité, alors peu commune, à son roman et permet l’implication du lecteur en tant que détective.

Lauren.C

1 commentaire:

  1. Une analyse intéressante et un raisonnement rigoureux, mais il aurait fallu étoffer davantage vos arguments et vous appuyer sur des exemples plus précis. Poursuivez ainsi !

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