Tout au long du roman les Faux Monnayeurs, Gide va confronter les
générations créant une ambiguïté dans le romain de par l’affrontement des valeurs.
Nous sommes face à une jeunesse qui a soif de liberté et de découverte est qui
est contrainte par les plus vieux de rentrer dans un moule qui ne lui convient
pas. Gide dénonce toute forme d’éducation, va se placer du côté des jeunes pour
peindre avec ironie les figures parentales. On retrouve une véritable
opposition entre la figure paternelle et maternelle. Dans un monde où les femmes sont inaptes à l’éducation morale
de leurs enfants, les rôles qu’elles jouent pour ces derniers sont toujours des
échecs. Il est assez évident que le roman fait l’éloge de la relation
homosexuelle masculine. En revanche la figure paternelle va prendre racine dans
le thème de l’amitié puisque tout amour ou lien sanguin et voué à l’échec. Par exemple, il est significatif que le fils
préféré de Mr Profitendieu ne soit autre que Bernard puisque aucun lien sanguin
ne les unit. Nous allons donc nous interroger sur la présence paternelle dans
le roman.
Dans un premier temps nous allons aborder la rupture de la figure paternelle,
puis dans un second temps nous traiterons de la figure paternelle à travers l’amitié.
Tout d’abord on constate que dès les premières pages de l’incipit, le
récit s’ouvre à la première personne et sur la crainte d'une répression,
Bernard dit : "C'est le moment de croire que j'entends des pas dans
le corridor" (p. 11) consécutive à une transgression d'ordre sexuel,
puisque Bernard vient de surprendre le secret de son engendrement, qui plus est
typiquement œdipienne puisqu'il le commente de la façon suivante : "Ne pas
savoir qui est son père, c'est ça qui guérit de la peur de lui ressembler"
: Ici Bernard exprime bien la peur de ressembler à son père, aussi le devoir d’endosser le même
rôle que lui vis-à-vis de sa mère. A la manière d’Œdipe qui part vers sa quête
de sens, Bernard va quitter le foyer familial et va vivre des expériences qui
vont lui permettre de se forger. On a alors la figure du « faux père »
qui nous est révélé dans la lettre de Bernard à Profitendieu, en effet il va conclure
par les mots suivant : « Je signe du ridicule nom qui est le vôtre,
que je voudrais pouvoir vous rendre, et qu’il me tard de déshonorer. ».
Par cette phrase Bernard va mettre à mal la figure du père dans le roman. L’auteur
va alors s’attaquer à deux types de figures paternelles : le père
bourgeois et le père religieux. Le père bourgeois est représenté par
Profitendieu. Gide va s’appliquer à souligner toutes les imperfections de ce
personnage et sa fausseté, il croit être un modèle respecté pour ses enfants,
or Gide détruit son image et fait de lui un « faux père ». Ceci s’explique
par le fait qu’il n’est pas le géniteur biologique de Bernard. Comme la fausse
monnaie, c’est un menteur, un hypocrite, un mensonge à lui seul. Bernard lui en
veut d’avoir étouffé l’affaire de l’adultère et le vois comme un ennemi pour
lui. Le roman commence donc par un désaveu : celui du fils à son père. Gide
va présenter Profitendieu à l’image de la société bourgeoise de l’époque :
il se comporte avec hypocrisie, il respecte les convenances, et surtout il
maintient les apparences car plutôt que d’assumer que Bernard a fugué et l’a
rejeté en même temps, il affirme qu’il est parti vivre quelques temps chez un
ami, il ne veut pas détruire l’image de sa famille qui jusqu’à présent sembler
bien tranquille et parfaite. Profitendieu peut aussi être blâmé car il
travaille dans la justice mais qu’il est incapable de représenter l’autorité
dans sa propre maison, il est dans le cas de Bernard incapable de rendre
justice au travail et d’être sincère avec son fils. Toutefois on peut nuancer
ce point de vue sur le personnage de Profitendieu puisque Gide avoue lui-même que
le personnage est plus complexe que ce qu’il croyait. Dans le Journal des Faux
Monnayeurs il affirme : « Profitendieu est à redessiner complètement.
Je ne le connaissais pas suffisamment. Il est beaucoup plus intéressant que je
ne le savais. », Il avoue donc qu’il n’est pas aussi ridicule et simpliste
que ce qu’il avait imaginé sur lui. Mais Gide ne choisit pas de briser la
figure paternelle qu’à travers le personnage de Profitendieu. C’est là qu’intervient
aussi la figure du père religieux. Celui-ci est représenté par le père de Laura,
Sarah et Armand, le pasteur Prosper Vedel qui dirige la pension. Ses enfants n’éprouvent
pas d’affection particulière pour lui, si on prend le cas d’Armand on ressent
presque une haine pour son père et un rejet total de ses valeurs notamment
religieuses, il semble ennuyé en général par les règles et les provenances de
sa famille. On peut aussi lire dans le carnet de Sarah que Vedel demanderait apparemment
de l’aide au ciel pour arrêter de « fumer » mais celle-ci est
persuader qu’il parle d’une tendance qui serait un peu plus douteuse. Laura
elle se moque totalement des fréquentations de son père tel que celle qu’il
entretenait avec Strouvilhou. Même la femme de Vedel se moque de sa manière d’être,
elle souligne le caractère ridicule de son marie : « Prosper croit
toujours qu’il n’y a qu’à prier Dieu pour que tout s’arrange. » Les pères
sont donc représenter dans le livre comme étant des hypocrites souvent un peu
ridicules qui ne parviennent pas à obtenir le respect de leurs enfants.
La figure paternelle totalement rompu va se retrouver remplacée par des
figures masculines qui vont encadrer les adolescents tout au long de leurs
aventures, et leur quête du bonheur.
Puisque les liens avec les pères biologiques sont rompus, les adolescents
vont chercher à trouver un nouveau pilier sur lequel s’appuyer pour se
construire. On va alors retrouver la figure paternelle à travers l’amitié. Gide voit en l’amitié un atout pour la
formation des jeunes adolescents lorsque l’ami incarne une figure paternelle.
En tant qu’élément formateur de l'identité, l’amitié peut alors devenir une
valeur pleinement positive. C’est un palliatif des défaillances de la cellule
familiale : derrière l’ami se trouve l’image du père. Par exemple Olivier fait
jouer le rôle de père alternativement à Bernard, Passavant et Édouard. De même
qu’Edouard en va servir de figure paternelle pour Bernard qui va se réfugier
vers lui pour avoir le soutien qu’il n’a jamais reçu. L’amitié est dite ‘’socratique’’
lorsqu’elle unit un adulte et un adolescent. Édouard forme l’intelligence et la
sensibilité d’Olivier, il est comme son précepteur qui remplace un père
désintéressé. L’éducation qu’il donne à l’adolescent a une dimension morale, et
paternelle, elle lui permet d’être protégé des mauvaises et pernicieuses
influences (ex : Compte de Passavant) et le rend meilleur. Edouard va
donner des conseils à Bernard et Olivier par
rapport à des choix important de leur vie. Il permet aux personnages de prendre
des décisions raisonnables. Par exemple il va remettre dans le droit chemin
Olivier et le fait sortir de l’emprise de Passavant, il entraîne aussi Bernard
à retourner chez son père et va avertir Georges des ennuis qui l’attendent s’il
continue son trafic de fausse monnaie avec Strouvilhou et Passavant. De la même
manière que le diable, la figure paternelle choisit de prendre un visage et
c’est celui d’Edouard, il est choisi l’élu. Il incarne la providence pour
Bernard en rupture de famille I-14, P. 146 « Sachez seulement que depuis ce
matin, je suis sans gîte, sans foyer, sans famille, et prêt à me jeter à l'eau
si je ne vous avais pas rencontré. » C'est avec indulgence qu’il aborde
l'épisode de sa valise dérobée à la consigne : « Édouard tachait en vain de
prendre un air sévère. Il s'amusait énormément » Il est à la fois une
figure d’autorité morale dans un univers d’adultes tutélaires défaillants. Il
est un confident privilégié pour la plupart des personnages. Il est le recours
à la bâtardise de Bernard qui en se
réfugiant dans une éthique de l’ignorance, refuse de s’avouer le besoin d’une autorité
paternelle pour se reconstruire. Par ailleurs, il ne faut pas omettre que la
découverte par Bernard de sa bâtardise permet son renouveau et de ce fait
participe à son émancipation qui le rendra adulte. Cette découverte se traduit
comme une scène fondatrice celle de la seconde naissance, ce moment où la
connaissance de la véritable origine permet au fils de nier du même souffle
l’imposture (la paternité d’Albéric Profitendieu) et l’importance de l’origine
: « Ne retenons de ceci que la délivrance ». On remarque que même si les pères originaux
sont reniés par les adolescents, il y a quand même une attache pour eux.
Bernard en effet à travers sa lettre au début du roman semble haïr son beau-
père or à la fin du roman il retourne quand même chez lui malgré le fait que sa
mère biologique ai quitté les lieux. Cela signifie bien que Bernard est attaché
au personnage de Profitendieu et lui porte tout de même de l’affection. On retrouve aussi la figure des grands-pères qui
peuvent aussi représenter l’autorité paternelle absente. C’est le cas pour Azaïs et La Pérouse, ils
sont des représentants de la sagesse, et la morale puritaine du protestantisme.
Le manque de présence des pères est donc compenser par l’affection et l’amitié
que les personnages portent les uns pour les autres. Les aînés tels qu’Edouard vont
se faire accompagnateur dans la vie de ses jeunes adolescents.
Pour conclure, il est intéressant de noter que dans les Faux Monnayeurs
André Gide va totalement briser l’image de la figure paternelle en représentant
des pères indigne qui n’ont aucun mérite et raison d’être admiré par leurs
enfants. Il va s’attaquer aux valeurs et traditions inculqués aux adolescents
qui vont se rebeller et chercher la liberté. Dans cette quête de soi et du
bonheur ils vont alors trouver en l’amitié et l’affection qu’ils éprouvent
envers certain autre personnage la figure paternelle qu’ils n’avaient jamais connue
auparavant.
EVORA Ruddy, CHUPIN Maëlys, GUILLABERT Rehana, CINER Timur.
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