vendredi 7 avril 2017

La représentation paternelle

Tout au long du roman les Faux Monnayeurs, Gide va confronter les générations créant une ambiguïté dans le romain de par l’affrontement des valeurs. Nous sommes face à une jeunesse qui a soif de liberté et de découverte est qui est contrainte par les plus vieux de rentrer dans un moule qui ne lui convient pas. Gide dénonce toute forme d’éducation, va se placer du côté des jeunes pour peindre avec ironie les figures parentales. On retrouve une véritable opposition entre la figure paternelle et maternelle. Dans un monde où  les femmes sont inaptes à l’éducation morale de leurs enfants, les rôles qu’elles jouent pour ces derniers sont toujours des échecs. Il est assez évident que le roman fait l’éloge de la relation homosexuelle masculine. En revanche la figure paternelle va prendre racine dans le thème de l’amitié puisque tout amour ou lien sanguin et voué à l’échec.  Par exemple, il est significatif que le fils préféré de Mr Profitendieu ne soit autre que Bernard puisque aucun lien sanguin ne les unit. Nous allons donc nous interroger sur la présence paternelle dans le roman.

Dans un premier temps nous allons aborder la rupture de la figure paternelle, puis dans un second temps nous traiterons de la figure paternelle à travers l’amitié.

Tout d’abord on constate que dès les premières pages de l’incipit, le récit s’ouvre à la première personne et sur la crainte d'une répression, Bernard dit : "C'est le moment de croire que j'entends des pas dans le corridor" (p. 11) consécutive à une transgression d'ordre sexuel, puisque Bernard vient de surprendre le secret de son engendrement, qui plus est typiquement œdipienne puisqu'il le commente de la façon suivante : "Ne pas savoir qui est son père, c'est ça qui guérit de la peur de lui ressembler" : Ici Bernard exprime bien la peur de ressembler à  son père, aussi le devoir d’endosser le même rôle que lui vis-à-vis de sa mère. A la manière d’Œdipe qui part vers sa quête de sens, Bernard va quitter le foyer familial et va vivre des expériences qui vont lui permettre de se forger. On a alors la figure du « faux père » qui nous est révélé dans la lettre de Bernard à Profitendieu, en effet il va conclure par les mots suivant : « Je signe du ridicule nom qui est le vôtre, que je voudrais pouvoir vous rendre, et qu’il me tard de déshonorer. ». Par cette phrase Bernard va mettre à mal la figure du père dans le roman. L’auteur va alors s’attaquer à deux types de figures paternelles : le père bourgeois et le père religieux. Le père bourgeois est représenté par Profitendieu. Gide va s’appliquer à souligner toutes les imperfections de ce personnage et sa fausseté, il croit être un modèle respecté pour ses enfants, or Gide détruit son image et fait de lui un « faux père ». Ceci s’explique par le fait qu’il n’est pas le géniteur biologique de Bernard. Comme la fausse monnaie, c’est un menteur, un hypocrite, un mensonge à lui seul. Bernard lui en veut d’avoir étouffé l’affaire de l’adultère et le vois comme un ennemi pour lui. Le roman commence donc par un désaveu : celui du fils à son père. Gide va présenter Profitendieu à l’image de la société bourgeoise de l’époque : il se comporte avec hypocrisie, il respecte les convenances, et surtout il maintient les apparences car plutôt que d’assumer que Bernard a fugué et l’a rejeté en même temps, il affirme qu’il est parti vivre quelques temps chez un ami, il ne veut pas détruire l’image de sa famille qui jusqu’à présent sembler bien tranquille et parfaite. Profitendieu peut aussi être blâmé car il travaille dans la justice mais qu’il est incapable de représenter l’autorité dans sa propre maison, il est dans le cas de Bernard incapable de rendre justice au travail et d’être sincère avec son fils. Toutefois on peut nuancer ce point de vue sur le personnage de Profitendieu puisque Gide avoue lui-même que le personnage est plus complexe que ce qu’il croyait. Dans le Journal des Faux Monnayeurs il affirme : « Profitendieu est à redessiner complètement. Je ne le connaissais pas suffisamment. Il est beaucoup plus intéressant que je ne le savais. », Il avoue donc qu’il n’est pas aussi ridicule et simpliste que ce qu’il avait imaginé sur lui. Mais Gide ne choisit pas de briser la figure paternelle qu’à travers le personnage de Profitendieu. C’est là qu’intervient aussi la figure du père religieux. Celui-ci est représenté par le père de Laura, Sarah et Armand, le pasteur Prosper Vedel qui dirige la pension. Ses enfants n’éprouvent pas d’affection particulière pour lui, si on prend le cas d’Armand on ressent presque une haine pour son père et un rejet total de ses valeurs notamment religieuses, il semble ennuyé en général par les règles et les provenances de sa famille. On peut aussi lire dans le carnet de Sarah que Vedel demanderait apparemment de l’aide au ciel pour arrêter de « fumer » mais celle-ci est persuader qu’il parle d’une tendance qui serait un peu plus douteuse. Laura elle se moque totalement des fréquentations de son père tel que celle qu’il entretenait avec Strouvilhou. Même la femme de Vedel se moque de sa manière d’être, elle souligne le caractère ridicule de son marie : « Prosper croit toujours qu’il n’y a qu’à prier Dieu pour que tout s’arrange. » Les pères sont donc représenter dans le livre comme étant des hypocrites souvent un peu ridicules qui ne parviennent pas à obtenir le respect de leurs enfants.

La figure paternelle totalement rompu va se retrouver remplacée par des figures masculines qui vont encadrer les adolescents tout au long de leurs aventures, et leur quête du bonheur.

Puisque les liens avec les pères biologiques sont rompus, les adolescents vont chercher à trouver un nouveau pilier sur lequel s’appuyer pour se construire. On va alors retrouver la figure paternelle à travers l’amitié.  Gide voit en l’amitié un atout pour la formation des jeunes adolescents lorsque l’ami incarne une figure paternelle. En tant qu’élément formateur de l'identité, l’amitié peut alors devenir une valeur pleinement positive. C’est un palliatif des défaillances de la cellule familiale : derrière l’ami se trouve l’image du père. Par exemple Olivier fait jouer le rôle de père alternativement à Bernard, Passavant et Édouard. De même qu’Edouard en va servir de figure paternelle pour Bernard qui va se réfugier vers lui pour avoir le soutien qu’il n’a jamais reçu. L’amitié est dite ‘’socratique’’ lorsqu’elle unit un adulte et un adolescent. Édouard forme l’intelligence et la sensibilité d’Olivier, il est comme son précepteur qui remplace un père désintéressé. L’éducation qu’il donne à l’adolescent a une dimension morale, et paternelle, elle lui permet d’être protégé des mauvaises et pernicieuses influences (ex : Compte de Passavant) et le rend meilleur. Edouard va donner des conseils à Bernard et Olivier par rapport à des choix important de leur vie. Il permet aux personnages de prendre des décisions raisonnables. Par exemple il va remettre dans le droit chemin Olivier et le fait sortir de l’emprise de Passavant, il entraîne aussi Bernard à retourner chez son père et va avertir Georges des ennuis qui l’attendent s’il continue son trafic de fausse monnaie avec Strouvilhou et Passavant. De la même manière que le diable, la figure paternelle choisit de prendre un visage et c’est celui d’Edouard, il est choisi l’élu. Il incarne la providence pour Bernard en rupture de famille I-14, P. 146 « Sachez seulement que depuis ce matin, je suis sans gîte, sans foyer, sans famille, et prêt à me jeter à l'eau si je ne vous avais pas rencontré. » C'est avec indulgence qu’il aborde l'épisode de sa valise dérobée à la consigne : « Édouard tachait en vain de prendre un air sévère. Il s'amusait énormément » Il est à la fois une figure d’autorité morale dans un univers d’adultes tutélaires défaillants. Il est un confident privilégié pour la plupart des personnages. Il est le recours à la bâtardise de Bernard  qui en se réfugiant dans une éthique de l’ignorance, refuse de s’avouer le besoin d’une autorité paternelle pour se reconstruire. Par ailleurs, il ne faut pas omettre que la découverte par Bernard de sa bâtardise permet son renouveau et de ce fait participe à son émancipation qui le rendra adulte. Cette découverte se traduit comme une scène fondatrice celle de la seconde naissance, ce moment où la connaissance de la véritable origine permet au fils de nier du même souffle l’imposture (la paternité d’Albéric Profitendieu) et l’importance de l’origine : « Ne retenons de ceci que la délivrance ».  On remarque que même si les pères originaux sont reniés par les adolescents, il y a quand même une attache pour eux. Bernard en effet à travers sa lettre au début du roman semble haïr son beau- père or à la fin du roman il retourne quand même chez lui malgré le fait que sa mère biologique ai quitté les lieux. Cela signifie bien que Bernard est attaché au personnage de Profitendieu et lui porte tout de même de l’affection. On retrouve aussi la figure des grands-pères qui peuvent aussi représenter l’autorité paternelle absente.  C’est le cas pour Azaïs et La Pérouse, ils sont des représentants de la sagesse, et la morale puritaine du protestantisme. Le manque de présence des pères est donc compenser par l’affection et l’amitié que les personnages portent les uns pour les autres. Les aînés tels qu’Edouard vont se faire accompagnateur dans la vie de ses jeunes adolescents.

Pour conclure, il est intéressant de noter que dans les Faux Monnayeurs André Gide va totalement briser l’image de la figure paternelle en représentant des pères indigne qui n’ont aucun mérite et raison d’être admiré par leurs enfants. Il va s’attaquer aux valeurs et traditions inculqués aux adolescents qui vont se rebeller et chercher la liberté. Dans cette quête de soi et du bonheur ils vont alors trouver en l’amitié et l’affection qu’ils éprouvent envers certain autre personnage la figure paternelle qu’ils n’avaient jamais connue auparavant. 

EVORA Ruddy, CHUPIN Maëlys, GUILLABERT Rehana, CINER Timur.

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